La réalisation de donations et d’apports préalablement à une cession de titres est une stratégie patrimoniale couramment adoptée lors de la vente d’entreprises. Ces opérations procurent en effet des avantages fiscaux importants, sous réserve de veiller au respect de leur bon séquencement.
Par Philippe Gosset, avocat en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des transactions et private equity que dans le domaine de la fiscalité des entrepreneurs, actionnaires et dirigeants. philippe.gosset@cms-fl.com et Isabelle Pichard, avocat en fiscalité. Elle intervient tant en matière de fiscalité des transactions et private equity que dans le domaine de la fiscalité des entrepreneurs, actionnaires et dirigeants. isabelle.pichard@cms-fl.com
Les effets fiscaux favorables des opérations pré-cession
L’opération de donation avant cession consiste pour un contribuable à donner des titres, le plus souvent à ses enfants, en pleine propriété ou avec réserve d’usufruit, avant que les donataires ne cèdent les titres à l’acquéreur. Le donateur efface intégralement ou partiellement l’impôt de plus-value à son niveau, seuls les droits de donation étant dus. Quant aux donataires, ils ne réalisent pas de plus-value, la cession étant le plus souvent réalisée peu après la donation, à valeur égale.
L’opération d’apport avant cession consiste à apporter des titres à une société holding, avant que cette dernière ne procède à leur cession. Pour la même raison, la holding ne réalise pas de profit. La plus-value réalisée par le contribuable lors de l’apport est quant à elle mise en report d’imposition et n’est potentiellement jamais taxée.
Ces opérations, parfaitement légales, procurent donc des effets puissants de «purge» et de «report» d’imposition de la plus-value latente. Une attention particulière doit néanmoins être portée à leur chronologie : ces opérations doivent impérativement avoir lieu avant le transfert de propriété des titres cédés, sous peine de voir leurs effets favorables anéantis par l’administration fiscale.
Le timing dépend de la nature des titres
Lorsque les opérations portent sur des actions, la règle est simple. Le transfert de propriété intervient par l’inscription des actions au compte de l’acquéreur. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs eu pour la première fois l’occasion de rappeler toute la portée au plan fiscal de cette règle de droit commercial dans un arrêt rendu récemment (Conseil d’Etat, 28 janvier 2019, n° 407305).
Ainsi, les parties peuvent s’entendre sur les conditions de la vente et signer un protocole d’accord, avant que les opérations de donation et d’apport ne soient réalisées. Les effets de ces opérations ne peuvent alors pas être remis en cause par l’Administration, pour autant qu’elles précèdent bien l’inscription des actions au compte de l’acheteur. Autrement dit, les donations et apports d’actions peuvent être réalisés jusqu’à la date du closing, qui constate juridiquement la cession par le mouvement de titres.
La vigilance est de mise pour les cessions de parts sociales
Lorsque les opérations portent sur des parts sociales, en revanche, la vigilance est de mise. Contrairement aux actions, le transfert de propriété s’opère lorsque les parties se sont entendues sur la chose et le prix, et non lors de l’inscription des titres au compte de l’acheteur.
Lorsque le contrat de cession contient une ou plusieurs conditions suspensives, la cession devient parfaite lors de la réalisation de la dernière des conditions, qui peut précéder la date du closing.
Il est alors tout à fait essentiel de veiller à ce que les opérations de donation et d’apport soient bien réalisées avant la levée de la dernière condition suspensive, qui n’est pas toujours entre les mains des parties (par exemple lorsqu’elle porte sur l’obtention d’un accord d’une autorité administrative).
Ce point de vigilance est encore accru lorsque l’apport est réalisé au profit d’une holding en cours de constitution. En effet, la holding doit nécessairement être immatriculée avant la réalisation de la cession, à défaut de quoi l’administration n’hésite pas à contester la validité du report sur le terrain de l’abus de droit fiscal1…
1. Par exemple, en matière de sursis d’imposition : avis n° 2017-13 du Comité de l’abus de droit fiscal, séance du 5 octobre 2017.