Dans le cadre de la plupart des transactions, un audit d’actifs immatériels est conduit afin d’identifier les actifs de la société dite «cible» et d’évaluer leur portée. Toutefois, un audit incorrectement mené peut entraîner des conséquences importantes, allant de la simple rectification à la dévalorisation drastique de la société acquise. Quelles sont les erreurs les plus couramment commises et comment parvenir à les réparer ?
Par Sabine Rigaud, avocat en droit de la propriété intellectuelle. Elle accompagne les entreprises en conseil comme en contentieux, dans le cadre de problématiques relatives au droit des marques, au droit des dessins et modèles et au droit d’auteur. sabine.rigaud@cms-fl.com
Lors d’une transaction, quelle qu’en soit la nature, l’attention des acquéreurs se dirige assez prosaïquement sur des données chiffrées, négligeant souvent des aspects – sinon plus cruciaux – du moins d’égale importance, tels que l’analyse des actifs immatériels de la société.
Une des erreurs les plus communes porte sur l’identification des actifs détenus par la cible et leur adéquation à l’activité visée par la société acquéreuse. S’il est généralement aisé d’identifier les actifs enregistrés au nom d’un titulaire donné et de s’assurer qu’ils seront valablement acquis, une fois la transaction réalisée, il est néanmoins plus difficile de s’assurer de l’exhaustivité de ces actifs. En effet, il arrive que certaines cessions ne soient pas inscrites et que, par conséquent, certains actifs apparaissent détenus par leur ancien titulaire. Il est encore possible que certains actifs aient été cédés par un cédant dépourvu de tout pouvoir de conclure ladite cession. Des régularisations sont possibles mais elles sont parfois compliquées à mettre en œuvre a posteriori.
L’acquéreur sera également avisé de veiller à ce que l’usage des actifs concernés ne soit pas entravé par les droits de tiers. C’est le cas notamment lorsque certains droits sont détenus en cotitularité ou lorsque les actifs concernés font l’objet de contrats de licence. Ces derniers contrats étant souvent conclus en considération de la personne contractante, il n’est pas rare qu’ils soient automatiquement résiliés en cas de transaction.
Il n’est enfin pas suffisant de vérifier si la cible est titulaire de droits enregistrés, encore faut-il vérifier si ces droits sont en adéquation avec le modèle commercial envisagé par l’acquéreur. En effet, l’expansion internationale d’une entreprise peut s’avérer compromise si les marques, brevets ou dessins et modèles, qui ont vocation à être exploités, ne couvrent pas les territoires convoités et qu’il existe sur ces derniers des droits antérieurs similaires détenus par un tiers. Des alternatives peuvent être envisagées, telles que l’usage d’une marque distincte sur certains territoires, l’acquisition du titre gênant ou encore la conclusion d’un accord de coexistence.
Un autre exemple classique réside dans l’encadrement des acquisitions de logiciels ou de licence d’utilisation de logiciel. En effet, si l’éditeur du logiciel fait l’objet d’une liquidation judiciaire et n’est plus en mesure d’assurer la maintenance, il deviendra impossible d’identifier et de corriger les anomalies de fonctionnement, ce qui réduira considérablement la performance du logiciel. Dans le cadre de l’audit conduit en amont de la transaction, il convient donc de s’assurer, soit de la titularité des droits sur les éventuels logiciels essentiels à la conduite de l’activité, soit de la conclusion d’un accord d’entiercement.
Afin de prévenir toutes ces déconvenues, le nouvel acquéreur devra impérativement se montrer attentif à la rédaction des clauses de garantie. Celles-ci permettent de sécuriser la reprise des actifs en prévoyant notamment que la société cible garantisse la titularité des droits pertinents et leur liberté d’exploitation, dans la mesure requise.