En 285 pages, 10 chapitres et 5 annexes, l’OCDE présente au titre de l’action 1 les défis fiscaux liés à l’économie numérique et apporte une série de réponses tant en matière de fiscalité directe que de fiscalité indirecte.
Par Michel Combe, avocat associé, PwC Société d’Avocats
Le constat dans ce rapport est le même que celui qui avait été fait lors de la publication du projet initial : l’économie numérique est l’économie, elle n’est pas une économie distincte même si le rapport mentionne qu’elle a quelques caractéristiques marquées comme la mobilité, l’importance des données ou l’existence de monopoles ou tout au moins d’oligopoles.
L’OCDE confirme qu’il n’est pas possible de traiter le thème de la fiscalité numérique de manière autonome du reste de la fiscalité. Ce constat conduit à un ensemble de mesures, qui ne sont de ce fait pas propres à l’économie numérique et qui sont décrites dans d’autres rapports qui n’y sont pas dédiés.
Le rapport indique que l’économie numérique soulève des défis plus larges qui dépassent le champ de la lutte contre l’érosion des bases imposables et le transfert des bénéfices.
Deux séries d’actions :
i) au regard de l’imposition des bénéfices, l’OCDE suggère de traiter les défis au travers de 5 actions :
– les acteurs de l’économie numérique sont réputés avoir interprété de manière extensive les exceptions contenues dans la définition des établissements stables, dont celles relatives aux activités auxiliaires et préparatoires ou celles relatives à la présence de stocks. De même, ces acteurs sont réputés avoir des actions commerciales fortes sur certains territoires mais favoriseraient la conclusion des contrats résultant de ces actions commerciales par des entreprises établies dans d’autres Etats. Les réponses apportées par les travaux sous l’action 7 sont applicables à l’économie numérique ;
– les entreprises de l’univers numérique sont réputées avoir implanté des entités entrepreneuriales dans des Etats à fiscalité faible ou avoir négocié de manière agressive leurs régimes fiscaux dans des Etats à fiscalité normale. De même, elles sont présumées n’être présentes dans des pays à fiscalité normale ou forte qu’au travers des fonctions de support, d’accompagnement et d’information, ne réalisant qu’une faible partie du profit total. L’OCDE répond à ces deux éléments par l’action 3 au titre des sociétés étrangères sous contrôle et par l’ensemble des actions 8 à 10 au titre des prix de transfert ;
ii) au regard des défis plus larges, l’OCDE constate d’abord que les défis sont aussi liés à la TVA dans le cadre des flux entre les entreprises et les consommateurs.
De nouvelles règles d’imposition
Toutefois, l’OCDE franchit un pas de plus, et c’est une nouveauté de ce second rapport. L’OCDE indique qu’à ce jour aucune des options analysées par la Task Force on Digital Economy n’ont été retenues. Ces options étaient :
– un nouveau nexus au travers de la notion de présence économique significative (significant economic presence) ;
– une retenue à la source sur certains types de transactions digitales et
– une imposition sous la forme d’un prélèvement dit «equalisation levy».
Ces mesures n’ont pas été recommandées parce que, entre autres raisons, il est escompté que les mesures élaborées et décrites ci-dessus dans le cadre du projet BEPS auront un impact substantiel sur les questions identifiées. De même, l’OCDE anticipe que certaines mesures adoptées atténueront les défis fiscaux plus larges et qu’enfin, désormais les taxes à la consommation seront prélevées de manière efficace dans le pays de mise sur le marché des biens ou services vendus de manière dématérialisée.
Mais une fois ce constat fait, l’OCDE indique que les Etats pourraient cependant incorporer dans leur corpus légal national l’une de ces trois options comme mesure de protection complémentaire (contre les abus des acteurs de l’économie numérique) à condition que ces mesures respectent les traités existants et autres conventions fiscales bilatérales.
On notera que l’OCDE constatant l’évolution permanente de l’économie digitale, suivra régulièrement si les règles adoptées continuent d’apporter une réponse adaptée aux défis fiscaux.
En conclusion, le fait de traiter les défis liés à l’économie numérique avec le corps de règles fiscales internationales uniformes et communes à nombre d’Etats est une mesure susceptible de limiter les cas de double imposition (et de non-imposition). A contrario, l’ouverture faite aux Etats de mettre en place des dispositifs fiscaux complémentaires doit conduire les entreprises à suivre avec attention toutes les mesures nationales que les Etats pourront mettre en place (ce que certains ont déjà commencé à faire) pour mieux appréhender au plan fiscal la création de valeur (cf. pour des exemples la Lettre gestion des groupes internationaux du 12 octobre 2015).