La lettre gestion des groupes internationaux

Novembre 2015

Révélation des montages et sécurité juridique : quel équilibre ?

Publié le 20 novembre 2015 à 15h49

Philippe Durand, PwC Société d’Avocats

Le sujet de la révélation des montages fait l’objet de l’action 12 du «plan BEPS». Ce document ne formule pas de propositions en la matière mais tente de synthétiser les «bonnes pratiques» dont pourraient s’inspirer les Etats.

Par Philippe Durand, avocat associé, PwC Société d’Avocats

On rappellera que le gouvernement français avait envisagé d’introduire un dispositif en ce sens dans l’article 96 de la loi de finances pour 2014 ; ce texte avait néanmoins été censuré par le Conseil constitutionnel pour trois motifs :

– la définition de la notion de montage était insuffisamment précise ;

– la sanction prévue était trop importante, d’autant qu’elle avait vocation à s’appliquer à une notion mal définie ;

– enfin ce dispositif portait atteinte à la liberté d’entreprendre.

On voit que les deuxième et troisième motifs ne se comprenaient que par rapport au premier. Sanctionner fortement ou demander à des professions qui ont pour activité d’aider les contribuables à payer moins d’impôt de révéler à l’administration des «schémas» dont la définition était incertaine rendait critiquable la lourdeur de la sanction et était de nature à compliquer l’exercice de leur profession dans une mesure insuffisamment justifiée par l’intérêt général.

Version peut-être dégradée du projet initial, l’administration fiscale a, depuis lors, publié sur son site un certain nombre de montages considérés comme potentiellement abusifs. La logique est un peu la même mais sans qu’il soit demandé aux professionnels de fournir l’information : cela consiste à dire aux contribuables que l’administration a connaissance de certains abus et que ceux qui succomberaient ne pourraient vraisemblablement plus arguer de leur bonne foi dès lors qu’ils auront été prévenus de la suspicion de l’administration à l’encontre des schémas concernés.

Le rapport de l’OCDE sur l’action 12 étant un exposé des bonnes pratiques, il ne prend pas parti sur les dispositifs qu’il est recommandé de mettre en place. C’est plutôt un inventaire de ce qui existe et qui peut correspondre à des approches différentes du sujet.

Certains critères censés caractériser les schémas à déclarer peuvent surprendre : confidentialité demandée au client, rémunération en fonction de l’économie d’impôt réalisée, protection juridique du schéma.

D’autres qui visent l’objet du conseil semblent plus compréhensibles : leasing, activité localisée dans un Etat à taux d’impôt bas, produits hybrides, etc.

Les dispositifs peuvent également prévoir l’obligation de numéroter les schémas et de communiquer la liste des clients.

Le rapport souligne par ailleurs la difficulté particulière des schémas internationaux qui, appréhendés au niveau d’un seul Etat, peuvent paraître sans aspérité et qui ne se révèlent problématiques que s’ils sont appréhendés dans leur globalité. L’exemple donné à cet égard est celui d’un hybride intragroupe. Mais la solution pour surmonter de telles difficultés n’est pas clairement apportée.

Les dispositifs envisagés semblent s’éloigner de la philosophie des tentatives françaises qui tendaient plutôt à appréhender a priori des situations abusives. La logique dominante des bonnes pratiques s’apparente plutôt à une obligation faite aux professionnels de déclarer des transactions à risque mais pas a priori abusives. Cette déclaration préalable a pour objectif d’une part de dissuader de recourir à de telles transactions à des fins abusives et d’autre part de faciliter leur surveillance par l’administration fiscale.

Cette approche, bien que voisine de l’approche envisagée par la France, se veut moins «stigmatisante» : on parle de «disclosure rules», ce qui ne préjuge pas de la nature de ce qui est révélé. La question qui reste ouverte est celle de la capacité des administrations à exploiter les flots d’informations qu’elles recevraient dans le cadre d’un tel dispositif. L’expérience britannique montre les limites de l’exercice.

Somme toute, cela rejoint le débat qui peut exister en France entre les partisans de la relation de confiance et ceux qui préfèrent s’en tenir à une procédure qui privilégie le contrôle a posteriori. Le paradoxe est qu’au niveau international, il existe aussi une ambiguïté entre le souhait de développer les «disclosure rules» et la défiance vis-à-vis des «rulings» considérés comme des vecteurs potentiels de pratiques fiscales dommageables.

Le débat ne semble pas avoir beaucoup progressé depuis le début des travaux sur une «enhanced relationship» sur l’équilibre à trouver entre une coopération renforcée de la part des contribuables et la sécurité juridique qui serait donnée aux contribuables en contrepartie.


La lettre gestion des groupes internationaux

«Country-By-Country Reporting» : la maîtrise d’une transparence fiscale imposée

Sylvain Grall et Marine Gril-Gadonneix, PwC Société d’Avocats

Dans un contexte d’intensification de la lutte contre l’évasion fiscale, l’idée de transparence en tant que garante d’une «responsabilisation fiscale» des groupes multinationaux tend à se généraliser. Néanmoins, la maîtrise des enjeux que représente une transparence fiscale imposée devrait permettre aux acteurs concernés de définir leur propre stratégie de transparence.

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