Alors même qu’en pratique l’intérêt des représentants du personnel pour les sujets environnementaux peut parfois sembler limité, leur implication sur ces sujets ne cesse d’augmenter du fait des contraintes légales nationales et européennes.
Le rôle du Comité Social et Economique (CSE) est défini de manière historique par l’article L.2312-8 du Code du travail (1) qui prévoit que « Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production. »
Or la loi climat du 22 août 2021 a sensiblement élargi le rôle du CSE en le dotant d’une compétence générale en matière environnementale. En effet, depuis la loi Climat, l’article L.2312-8 du Code du travail a été complété pour préciser que la mission du CSE s’exerce « notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions. »
On peut tout d’abord observer que cet élargissement du rôle du CSE en matière environnementale ne s’est pas accompagné d’une obligation de formation sur ce sujet. En effet, la loi Climat a certes modifié l’article L.2315-63 du Code du travail pour prévoir que la formation économique des membres titulaires du CSE peut notamment porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises. En revanche, il s’agit là d’une simple possibilité et non d’une obligation. Cette possibilité est de surcroît d’autant plus difficile à mettre en œuvre en pratique compte tenu de l’absence d’allongement de la durée de cette formation qui demeure de 5 jours maximum.
La question environnementale doit être traitée par le CSE lors des consultations ponctuelles et récurrentes comme suit :
• Lors des consultations ponctuelles, l’article L.2312-8 du Code du travail prévoit que le CSE est informé et consulté sur les conséquences environnementales des questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise. Il convient donc, pour l’employeur, de s’interroger sur les éventuelles conséquences environnementales des projets soumis à la consultation du CSE, afin de pouvoir lui transmettre l’ensemble des informations lui permettant de rendre son avis en intégrant la question environnementale.
On observe que l’article L.2312-37 du Code du travail (2) qui vise la consultation ponctuelle du CSE dans le cadre d’opérations spécifiques (restructuration et compression des effectifs, licenciement collectif pour motif économique notamment), n’a pas été modifié dans le cadre de la loi climat et ne prévoit pas d’information ni de consultation du CSE sur les conséquences environnementales de ces opérations. Faut-il y voir une volonté du législateur de ne pas soumettre ces opérations à la question environnementale ? La doctrine est partagée sur cette question. En toute hypothèse, compte tenu de la montée en puissance de la question environnementale, notamment dans les attributions du CSE, il est en pratique fortement recommandé de ne pas omettre les conséquences environnementales dans le processus d’information consultation du CSE pour ces opérations spécifiques.
• Lors des consultations récurrentes, l’article L.2312-17 du Code du travail (3) prévoit que le CSE est informé des conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Le Code du travail ne vise ici qu’une simple information et non une consultation du CSE sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Le CSE peut toutefois, même s’il n’est pas invité à rendre un avis, émettre des observations sur les informations qui lui sont transmises.
La documentation en matière environnementale est transmise au CSE via la BDESE qui, rappelons-le, est passée de BDES (base de données économiques et sociales) à BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales) depuis la loi climat. La BDESE comporte désormais un thème supplémentaire dédié aux conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise qui permet notamment d’alimenter le CSE dans le cadre de son information sur les conséquences environnementales de l’entreprise dans le cadre des consultations récurrentes.
On notera que si le législateur n’a prévu qu’une simple information du CSE lors des consultations récurrentes, les entreprises soumises à la déclaration de performance extra-financière (DPEF) doivent d’ores et déjà intégrer dans leur rapport de gestion des informations environnementales (politique générale en matière environnementale, économie circulaire et changement climatique) (4), qui doivent être fournies au CSE dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise (5). Ainsi, le CSE est indirectement consulté sur les sujets environnementaux dans le cadre de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise, dans les entités soumises à la DPEF.
En outre, dans le cadre de l’entrée en vigueur de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui se substituera à la DPEF pour les sociétés qui en relèvent à ce jour et s’étendra à un nombre significatif d’entreprises (6), le rapport de durabilité, qui sera également intégré au rapport de gestion, comprendra un nombre accru d’informations environnementales qui devront être communiquées au CSE et sur lesquelles il sera consulté dans le cadre de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise. Or, dans le cadre de la transposition de la directive CSRD en droit interne, une nouvelle consultation du CSE a été créée.
En effet, l’article L.2312-17 dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2025 (correspondant à l’entrée en vigueur de la CSRD) prévoit qu’au cours des trois consultations annuelles, le CSE est consulté sur les informations en matière de durabilité incluses dans le rapport de gestion ou le rapport de gestion du groupe pour les sociétés consolidantes d’un grand groupe. Ces informations devant être certifiées par un commissaire aux comptes, le Code du travail prévoit que le CSE est consulté sur les informations en matière de durabilité et sur les moyens de les obtenir et de les vérifier. (7)
L’implication du CSE sur les problématiques environnementales est donc encore amenée à augmenter à l’avenir. Dès lors, la question de la création d’une commission spécifique du CSE dédiée à l’environnement ou plus largement à la durabilité pourrait s’avérer être utile dans certaines entités. Cette commission pourrait se composer des représentants du personnel ainsi que de salariés présentant une appétence pour ces sujets. Elle pourrait notamment être impliquée lors de l’analyse de double matérialité qui précède le reporting de durabilité prévu par la directive CSRD qui prévoit un processus d’interaction avec les travailleurs de l’entreprise et leurs représentants sur plusieurs sujets.
1. Article L. 2312-8 du Code du travail :
« I. Le Comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions.
II. Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur :
1° Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs ;
2° La modification de son organisation économique ou juridique ;
3° Les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail, et la formation professionnelle ;
4° L’introduction de nouvelles technologies, tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
5° Les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils, des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives et des travailleurs handicapés, notamment sur l’aménagement des postes de travail.
III. Le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures mentionnées au II du présent article.
IV. Le comité social et économique mis en place dans les entreprises d’au moins cinquante salariés exerce également les attributions prévues à la section 2. »
2. Article L.2312-37 du Code du travail :
« Outre les thèmes prévus à l’article L.2312-8, le comité social et économique est consulté dans les conditions définies à la présente section dans les cas suivantes :
1° Mise en œuvre des moyens de contrôle de l’activité des salariés ;
2° Restructuration et compression des effectifs ;
3° Licenciement collectif pour motif économique ;
4° Offre publique d’acquisition ;
5° Procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire. »
3. Article L.2312-17 du Code du travail :
« Le comité social et économique est consulté dans les conditions définies à la présente section sur :
1° Les orientations stratégiques de l’entreprise ;
2° La situation économique et financière de l’entreprise ;
3° La politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.
Au cours de ces consultations, le comité est informé des conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.»
4. Article L.225-102-1 du Code de commerce :
« I. Une déclaration de performance extra-financière est insérée dans le rapport de gestion prévu au deuxième alinéa de l’article L.225-100, lorsque le total du bilan ou le chiffre d’affaires et le nombre de salariés excèdent des seuls fixés par décret en Conseil d’Etat. […] ».
5. Article R.2312-17 du Code du travail :
« En l’absence d’accord prévu à l’article L.2312-19, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, l’employeur met à la disposition du comité social et économique en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise les informations prévues aux rubriques 1°B, 1°C, 7°A, 7°F, 8°, 9° et 10° du tableau de l’article R.2312-9. »
6. Le champ d’application de la directive CSRD comprend les entreprises remplissant deux des trois critères suivants :
avoir un bilan de 20 millions d’euros,
réaliser 40 millions d’euros de chiffre d’affaires,
employer au moins 250 salariés.
Cela prend également en considération les entreprises cotées sur le marché européen.
7. Article L.2312-17 du Code du travail (version du 1er janvier 2025) :
Le comité social et économique est consulté dans les conditions définies à la présente section sur :
1° Les orientations stratégiques de l’entreprise ;
2° La situation économique et financière de l’entreprise ;
3° La politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.
Au cours de ces consultations, le comité est consulté sur les informations en matière de durabilité prévues aux articles L.232-6-3 et L.233-28-4 du Code du commerce et sur les moyens de les obtenir et de les vérifier, dès lors que l’entreprise remplis l’une des conditions suivantes :
1° Elle est soumise à l’obligation prévue au I de l’article L.232-6-3 du Code du commerce ou dispensée de son application conformément au second alinéa du V de ce même article ;
2° Elle est soumise à l’obligation prévue au I de l’article L.233-28-4 du Code du commerce ou dispensée de son application conformément au V de ce même article. ».