Adoptée le 27 mars 2017, la loi sur le devoir de vigilance a connu ses premières applications et devrait être suivie prochainement par une nouvelle directive européenne.
INTERVENANTS
Pierre-Yves LAURENT, directeur juridique, BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS
Fabrice FAGES, associé Litigation & Trial, LATHAM & WATKINS
Modération : Pierre BERLIOZ, professeur de droit, UNIVERSITE DE PARIS CITE
Renforcé par la loi du 27 mars 2017, le devoir de vigilance des entreprises est devenu un enjeu majeur de la RSE et de la gouvernance d’entreprise. Et la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, qui vise à imposer une obligation de vigilance au niveau européen, devrait venir encore renforcer les choses. Voté par le Parlement européen en juin 2023, le texte devrait être adopté en 2024.
Décisions
Dans l’attente, la France a connu cette année les premières applications de la loi sur le devoir de vigilance. « Nous avons pour l’heure peu de décisions et certaines d’entre elles font l’objet d’un recours », rappelle Fabrice Fages, associé chez Latham & Watkins. Ainsi, outre le dossier La Poste du 5 décembre dernier, le tribunal judiciaire de Paris a, par deux ordonnances identiques du 28 février 2023, refusé de faire cesser les projets pétroliers d’une filiale de la société TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie. Par ailleurs, dans le cadre du procès climatique contre TotalEnergies, le juge a considéré dans une décision du 6 juillet 2023 que la société n’avait pas régulièrement été mise en demeure au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier envoyé à la multinationale en juin 2019.
«Nous avons pour l’heure peu de décisions et certaines d’entre elles font l’objet d’un recours»
Un dialogue nécessaire
Pour Pierre-Yves Laurent, directeur juridique de Bouygues Travaux Publics, le juge a ici fait de l’outil dialogue un outil de prévention du dommage. « Mais, en France, il y a souvent un clivage entreprise/requérants, note-t-il. Cela amène des crispations sur la méthodologie et l’élaboration de ce dialogue. » Comment, en effet, prouve-t-on que l’on a bien dialogué ? « Dans les guidelines de la future directive, j’appelle de mes vœux un peu de méthode à ce propos, souligne le directeur juridique. Cette méthodologie sera clé si l’on veut réussir à atteindre collectivement les objectifs fixés. » Concernant le contenu de la directive, celle-ci se fonde essentiellement sur des mesures concrètes et non plus sur la notion de plan, qui pourrait devenir secondaire. « Il faut continuer à porter un soin particulier à l’élaboration de son plan, tempère néanmoins le directeur juridique. L’autorité aura toujours besoin d’outils. »