Sous l’impulsion de la croissance des échanges et des investissements étrangers, les contentieux fiscaux entre entreprises et Etats ont connu une hausse significative. Sur la première marche du podium, les contentieux fiscaux relatifs aux opérations internationales des multinationales.
INTERVENANTS
Marc MOKRAB, directeur fiscal, VERISURE
Sébastien GONNET, Partner, ACCURACY
Hervé DELANNOY, directeur juridique, RALLYE SA
Il existe actuellement une tendance universelle à la dégradation des comptes publics, avec des Etats de plus en plus déficitaires d’une année à l’autre. « En corollaire, nous faisons face à une très forte augmentation de l’endettement public, notamment pour l’ensemble des pays avancés avec plus de 120 % de PIB en matière de dette publique », expose Sébastien Gonnet, associé chez Accuracy. Comment, dans ce contexte, ont été traitées les entreprises depuis dix ans ? « Les entreprises américaines ont eu ces dernières années des niveaux de profit moyen entre 10 et 12 %, ce qui est assez significatif, répond-il. Par ailleurs, les taux d’impôts sur les sociétés ont baissé – nous sommes aujourd’hui entre 10 et 20 %, contre 30 à 40 % en 2000. »
Changement de paradigme
Toutefois, les disparités fiscales entre les Etats demeurent. « Il y a par ailleurs désormais un grand échange d’informations entre les Etats, qui entraîne pour les entreprises un risque de contentieux beaucoup plus fort », indique Hervé Delannoy, directeur juridique de Rallye. Marc Mokrab, directeur fiscal de Verisure, note également l’obligation pour le contribuable de communiquer un certain nombre d’éléments et de se conformer à des règles qui sont désormais internationales. De quoi faire augmenter le nombre de contentieux et de changer les rapports avec l’administration fiscale. « L’approche des administrations va vers un peu plus d’exploitation de ces données issues de sources très diverses », poursuit le directeur juridique. La directive européenne DAC 6, relative à l’échange automatique et obligatoire d’informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, illustre ce changement de paradigme. « On passe d’une méthode très défensive vers un monde où l’on a besoin d’être proactif et d’avoir une communication maîtrisée, notamment dans l’identification des risques », observe Hervé Delannoy.
Paradoxe
Le fait de communiquer en amont induit-il moins de risques ? « C’est avant tout un ensemble de comportements et une connaissance parfaite de l’organisation d’une entreprise qui va garantir la sécurité juridique », assure Hervé Delannoy. Malgré une multiplication de règles imposant aux administrations de mieux communiquer, il y a simultanément des approches de plus en plus agressives selon les juridictions. « Nous sommes face à une sorte de paradoxe entre, d’un côté, une volonté d’aller dans le sens du contribuable et de lui donner des garanties et une meilleure communication pour éviter le contentieux, et, de l’autre, les approches des Etats plus unilatérales », confirme Marc Mokrab. Quelques chiffres pour finir : en 2021, les recettes d’impôts sur les sociétés au niveau de la zone OCDE « pesaient » 2 500 milliards de dollars, soit un peu plus de 3 % d’un PIB de la zone estimé à 77 000 milliards de dollars. Les réformes engagées devraient accroître le montant global d’un peu plus de 5 %. « Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas avec cela que l’on assurera à la fois le double mouvement d’augmentation de l’investissement public et de réduction de la dette publique », conclut Sébastien Gonnet.
«Les entreprises américaines ont eu ces dernières années des niveaux de profit moyen entre 10 et 12 %, ce qui est assez significatif, répond-il. Par ailleurs, les taux d’impôts sur les sociétés ont baissé – nous sommes aujourd’hui entre 10 et 20 %, contre 30 à 40 % en 2000.»