En matière immobilière, la neutralisation de la TVA prévue à l’article 257 bis du Code général des impôts (CGI) s’applique aux cessions d’immeubles attachés à une activité de location immobilière avec reprise ou renégociation des baux en cours, intervenant entre deux bailleurs redevables de la TVA au titre de cette activité, dès lors que ces cessions s’inscrivent dans une logique de transmission d’entreprise ou de restructuration réalisée au profit d’une personne qui entend exploiter l’universalité transmise (RES n° 2006/34 - 12/09/2006).
Elle conseille et assiste les entreprises dans le suivi et la gestion de contrôles fiscaux et de contentieux en matière de TVA et de taxe sur les salaires. alexandra.lhermine@cms-fl.com
L’activité hôtelière est une activité locative particulière
La levée d’option d’achat d’un crédit-bail immobilier par un exploitant hôtelier qui entend conserver l’actif et y poursuivre son activité pose ainsi la question de l’application de ce dispositif. En effet, même si l’hôtellerie et le crédit-bail sont des activités différentes, elles s’analysent toutes deux comme des locations au regard de la TVA et il n’est pas exigé, selon la jurisprudence, que l’activité transmise soit poursuivie à l’identique.
L’Administration a d’ailleurs admis que la neutralisation couvre la situation dans laquelle un immeuble, loué dans le cadre d’un contrat de crédit-bail immobilier soumis à la TVA, est cédé au crédit-preneur lors de sa levée d’option d’achat et que celui-ci, qui affectait l’immeuble à une activité de sous-location taxée, entend continuer à affecter l’immeuble à une telle activité locative soumise à la TVA (RES n° 2018/01 – 3/01/2018).
La situation de l’hôtelier crédit-preneur semble comparable, l’exploitation de l’hôtel s’analysant, du point de vue de la TVA, comme une sous-location avec services. Un doute existait toutefois lorsque l’hôtelier exploite aussi d’autres activités, comme la restauration, car l’Administration exclut en principe le dispositif de neutralisation pour les immeubles qui ne sont pas entièrement affectés à une activité locative (RES n° 2008/4 – 4/03/2008).
Le pari fait sur l’incidence des activités annexes
La question posée par le député Romain Grau avait pour objet de lever ce doute et de faire admettre dans ce cas l’application du régime de dispense de TVA (QE n°35808, JOAN 5 avril 2022, p. 2249), faisant manifestement le pari que l’Administration reviendrait sur sa position de mars 2008, réservant la dispense aux transmissions d’immeubles entièrement affectés à la location, ou qu’elle accepterait de traiter les autres activités de l’hôtelier comme de simples accessoires de l’hébergement.
Le pari était risqué, il est perdu et la perte dépasse la mise.
La réponse qui emporte tout et sème le doute
La réponse du Ministre rejette en effet globalement l’idée même d’une application de l’article 257 bis du CGI dans le cas où le crédit-preneur conserve l’immeuble, même sans activité annexe à l’hébergement. La levée d’option par le crédit-preneur est alors considérée comme la « simple acquisition d’une immobilisation affectée à son activité préexistante d’exploitant hôtelier ».
Cette conclusion trouble profondément l’appréciation des conditions d’application du régime de l’article 257 bis du CGI, car on ne comprend a priori pas comment l’articuler avec la solution issue du rescrit de 2018 précité. Dans les deux situations tranchées par l’administration, en 2018 et en 2022, l’activité du crédit-preneur préexistait à la levée d’option d’achat et était poursuivie après. Cet élément initialement indifférent serait désormais un obstacle au régime des transmissions d’universalités de biens.
La réponse ministérielle crée un risque de redressement des crédits-bailleurs qui ont placé certaines levées d’option d’achat en suspension de taxe, alors que le crédit-preneur a conservé l’immeuble pour y poursuivre une activité hôtelière, même sans restaurant ou activité annexe. Elle interroge enfin sur sa portée, car il n’est pas évident de savoir si elle doit être cantonnée au cas particulier de l’hôtellerie.
Les demandes de rescrits particuliers ont décidément de beaux jours devant elles s’agissant du régime de l’article 257 bis du CGI.