Il en va de certaines exonérations fiscales comme des espèces menacées, elles disparaissent si on n’y prend garde. Le sort de l’exonération partielle des installations d’antipollution en fiscalité locale en est malheureusement un bon exemple.
Il paraît logique que, confronté à l’accumulation des rapports alarmant sur l’urgence environnementale, le législateur se soit emparé de cette problématique pour promouvoir les investissements en faveur de la lutte contre la pollution surtout dans le domaine sensible de l’industrie.
Cette question revêt une résonnance toute particulière en matière de fiscalité locale des locaux industriels dès lors que leurs bases de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises (CFE) sont calculées en appliquant un coefficient au prix de revient de leur immobilisations foncières.
Chaque investissement foncier entraînant une augmentation des bases imposables, nous pouvons comprendre que les industriels n’aient que peu de marge de manœuvre pour financer des installations antipollution qui, si elles sont vertueuses, n’en sont pas moins extrêmement coûteuses. Cette mécanique n’incite pas ces industriels à aller au-delà des nombreuses dépenses environnementales déjà imposées par le cadre réglementaire.
Sur le dispositif légal d’incitation aux investissements antipollution
Bien conscient de cette situation, le législateur a introduit dès 1992 les dispositions de l’article 1518 A du Code général des impôts qui prévoient que les valeurs locatives qui servent à l’établissement des impôts locaux des installations destinées à la lutte contre la pollution des eaux et de l’atmosphère sont prises en compte à raison de la moitié de leur montant. Les collectivités territoriales ont, par ailleurs, la faculté de porter cette réduction à 100 %.
Les installations visées s’entendent non seulement des bâtiments proprement dits mais également des matériels, immeubles par destination, ainsi que des matériels reposant sur des fondations spéciales faisant corps avec l’immeuble. Il doit s’agir d’installations destinées à l’épuration des eaux industrielles et à la lutte contre la pollution atmosphérique et les odeurs ou destinées à économiser l’énergie ou à réduire le niveau acoustique d’installations existantes.
S’agissant des immobilisations acquises avant 2002, cet abattement était conditionné au fait qu’elles aient effectivement fait l’objet de l’amortissement exceptionnel sur 12 mois prévu à l’article 39 AB ou à l’article 39 quinquies DA du CGI. A compter de 2002, le champ de la réduction a été élargie, car elle n’est plus subordonnée qu’à la simple éligibilité à ce dispositif, quand bien même son propriétaire n’aurait pas opté pour ce mode d’amortissement.
Absence d’abattement sur les installations antipollution postérieures à 2010
Nous aurions pu louer le bon sens de cette mesure volontariste si elle n’avait pas été corrélée au champ d’application de l’amortissement exceptionnel. En effet, ironie de l’histoire, les installations visées par l’article 1518 A ne sont plus éligibles à l’amortissement exceptionnel depuis le 1er janvier 2011.
C’est ainsi que, de fait, les nouvelles installations antipollution ne bénéficient plus d’aucun abattement depuis plus de 10 ans.
Cette réduction qui ne subsiste que pour les seuls investissements antérieurs à 2011, est ainsi relégué à l’état de fossile fiscal privé de toute substance. Curieusement, il semble que cette véritable extinction programmée n’ait émue personne.
A l’heure où le GIEC a lancé un funeste compte à rebours triennale, il serait grand temps de redonner une portée réelle à cette exonération en la déconnectant de l’amortissement exceptionnel et en en faisant une mesure strictement autonome.
On ne peut qu’inciter les industriels et leurs fédérations à se mobiliser en ce sens en vue de la prochaine loi de finances, cette mesure pouvant naturellement s’inscrire ans le cadre de la future « planification écologique » annoncée pour ce nouveau quinquennat.