« Dans un contexte où les marchés immobiliers risquent de connaître des évolutions contrastées, l’essor des stratégies d’investissement value added devrait se confirmer. »
Par Thierry Granier, avocat associé en fiscalité. Il intervient notamment sur les structurations de fonds dans un contexte international. thierry.granier@cms-fl.com et Yacine Bousraf, avocat en fiscalité. Il intervient notamment en matière de fiscalité des fonds de capital investissement et des fonds immobiliers. yacine.bousraf@cms-fl.com
Dans un contexte où les marchés immobiliers risquent de connaître des évolutions contrastées, l’essor des stratégies d’investissement value added devrait se confirmer. Confrontés à la potentielle perte de rendement des investissements core, certains investisseurs ciblent les opportunités de création de valeur en se positionnant sur des actifs à fort potentiel nécessitant des travaux de revalorisation. Aussi, la performance énergétique occupe une place croissante parmi les différents leviers de revalorisation qualitative d’un bien. Son incidence sur le niveau des charges et des loyers est indéniable et il est fort à parier que les investisseurs vont accorder de plus en plus d’importance au verdissement de leurs actifs. Se pose alors la question : quel type de structuration peut-on recommander pour ce genre d’opérations ?
En soi, il n’existe pas de véhicule spécifiquement dédié à la réalisation d’opérations value added1.
Mais certains véhicules sont sans doute à privilégier. Il s’agit des fonds professionnels de capital investissement ou des sociétés de libre partenariat. Dans ce cas, les opérations sont généralement portées par des sociétés « classiques » soumises à l’impôt sur les sociétés (SAS) elles-mêmes détenues par le fonds. Toutefois, le recours à des fonds d’investissement implique certaines contraintes règlementaires ou juridiques. Il peut également être envisagé d’utiliser directement des sociétés de droit commun (SAS ou SCA). Dans ce dernier cas, les opérations peuvent être portées par des sociétés de personnes fiscalement translucides (SNC) interposées.
Les investisseurs peuvent bénéficier de régimes fiscaux favorables, sous certaines conditions
Conditionnés notamment à certaines règles de composition d’actifs et d’investissements visant des activités industrielles ou commerciales, les investisseurs peuvent bénéficier de régimes fiscaux très favorables (i.e. régime des fonds « fiscaux », éligibilité au remploi de l’article 150-0 B ter du CGI, exclusion de la valeur des titres détenus de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière, etc.). Sur ce point, la question de la « commercialité » de l’activité immobilière exercée par les sociétés propriétaires des actifs devient centrale.
Les investissements value added se caractérisent par des cycles de détention courts. Les actifs sont acquis en vue de leur revente. En ce sens, ils peuvent s’analyser en des opérations de marchand de biens. Lorsque l’importance des travaux de revalorisation concourent à la production d’un immeuble neuf, ils peuvent également s’analyser en des opérations de promotion immobilière. Les activités de marchand de biens et de promotion immobilière sont des activités commerciales respectivement visées aux articles 34 et 35 du Code général des impôts (CGI). Elles peuvent donc s’inscrire, dans une certaine mesure, dans le cadre des dispositifs fiscaux susvisés2. Toutefois, pour que les sociétés propriétaires des actifs puissent être valablement regardées comme exerçant une activité immobilière de nature commerciale, leurs opérations doivent revêtir un caractère habituel et spéculatif. Le critère de l’intention spéculative est satisfait lorsqu’il peut être documenté que l’actif était destiné à la revente au moment de son acquisition ou de sa construction. Le critère d’habitude s’entend généralement de la réalisation d’une pluralité d’opérations. La satisfaction du critère d’habitude peut dans certains cas soulever des difficultés pour les véhicules constitués en vue de réaliser une opération spéculative unique consistant à acheter et revendre en bloc un même bien. Toutefois, plusieurs arguments pourraient, selon nous, permettre la satisfaction du critère d’habitude en présence d’une opération isolée.
1. Les véhicules spécifiquement dédiés aux investissements immobiliers (i.e. sociétés d’investissements immobiliers cotées « SIIC », les organismes de placement collectif immobilier « OPCI », les sociétés civiles de placement immobilier « SCPI », etc.) ont vocation à détenir des actifs en vue de leur location et ne sont pas destinés à réaliser des opération value added.
2. Seules les activités commerciales par nature sont éligibles au quota fiscal prévu par l’article 163 quinquies B du CGI.