Les préoccupations environnementales ont conduit le législateur à mettre en place un dispositif juridique complet pour leur donner une résonnance pratique. En droit de l’urbanisme, elles se traduisent notamment par l’adoption récente de mesures fiscales incitatives, complétées par des outils règlementaires variés.
Par Céline Cloché-Dubois, avocat associé en droit de l’urbanisme et de l’environnement. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux auprès d’opérateurs publics et privés (investisseurs, promoteurs, aménageurs) dans le cadre de projets de développement et d’aménagement.
celine.cloche-dubois@cms-fl.com et Clotilde Laborde, avocat en droit de l’urbanisme et de l’environnement. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux auprès des entreprises et des personnes publiques. clotilde.laborde@cms-fl.com
La mise en place (trop) progressive d’une fiscalité incitative pour lutter contre l’artificialisation des sols
Dans la continuité de la réforme de la fiscalité de l’urbanisme de 2012 et des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, le législateur a adopté, dans la loi de finances pour 20211, différentes mesures pour « favoriser le renouvellement urbain plutôt que l’étalement », et ainsi diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols d’ici 2030. L’article 141 de la loi prévoit :
l Une incitation à la « renaturation » des espaces urbanisés. La part départementale de la taxe d’aménagement (TA) est affectée au financement des politiques de protection des espaces naturels sensibles (ENS), destinées à préserver la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels ainsi que la biodiversité en finançant des actions d’acquisition, d’aménagement, d’entretien et de gestion des ENS. Cette part peut désormais être affectée également aux opérations de « renaturation », c’est-à-dire l’acquisition de terrains abandonnés ou laissés en friche en vue d’y réaliser des travaux de transformation en espaces naturels et limiter l’extension de l’urbanisation2.
l Une incitation à la « densification et à la sobriété foncière » par …
…. de nouveaux cas d’exonération en matière de TA. Afin d’encourager la création de surfaces de stationnement intégrées au bâti ou en sous-œuvre et éviter l’extension de l’artificialisation des sols, une nouvelle exonération de plein droit de TA est introduite à l’article L.331-7 du CU. A compter du 1er janvier 2022, seront totalement exonérées de TA les places de stationnement intégrées au bâti dans un plan vertical ou aménagées au-dessus ou en dessous des immeubles. Les constructeurs seront ainsi incités à concevoir des projets moins consommateur de surfaces au sol en limitant les stationnements structurellement indépendants. Rappelons que le régime de la TA favorisait jusqu’alors les stationnements extérieurs davantage taxés que les stationnements intérieurs. Seuls les stationnements affectés à de l’habitation bénéficiaient d’une exonération si le principe en avait été décidé par les collectivités locales.
l … Un encadrement du taux majoré de TA. Les communes et les EPCI peuvent majorer le taux de TA (jusqu’à 20 %) dans certaines zones pour financer des travaux substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux3. A compter du 1er janvier 2022, une telle majoration ne pourra être décidée que « si la réalisation de travaux substantiels de voiries ou de réseaux, de restructuration ou de renouvellement urbain pour renforcer l’attractivité des zones concernées et réduire les incidences liées à l’accroissement local de la population ou la création d’équipements publics généraux sont rendues nécessaires en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteur ». Sont concernés les travaux de recomposition et d’aménagement des espaces publics permettant d’améliorer la qualité du cadre de vie, de lutter contre les îlots de chaleur urbains, de renforcer la biodiversité ou de développer l’usage des transports collectifs et des mobilités actives.
Ces modifications étaient pour partie attendues depuis longtemps. Nous ne pouvons que regretter leur entrée en vigueur différée, en contradiction avec la volonté affichée de « faire évoluer rapidement les modèles d’aménagement et de construction ».
L’adoption d’outils règlementaires variés
Les collectivités territoriales peuvent déroger aux règles générales d’urbanisme afin d’encourager la densification de zones d’ores et déjà urbanisées, évitant ainsi l’étalement urbain et imposer de nouveaux critères lors de la rénovation du bâti existant ou la construction de nouveaux bâtiments. Parmi les dispositifs, doivent être relevés les éléments suivants :
l Economiser la ressource foncière en favorisant le renouvellement urbain. Plusieurs dispositions du CU permettent aux collectivités territoriales d’encourager la densification des zones urbanisées tout en encadrant et modulant les formes urbaines. Les collectivités peuvent ainsi :
– imposer, dans des secteurs situés à proximité des transports collectifs, une densité minimale de construction ou encore définir, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l’implantation des constructions4 ;
– autoriser, dans certains secteurs situés sen zones urbaines, un dépassement des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol pour permettre l’agrandissement ou la construction de bâtiments à usage d’habitation5.
Ainsi, le PLU de Paris fixe des règles de gabarit pour chaque parcelle, variant selon la largeur de la voie, qui permettent de faire évoluer le gabarit des immeubles existants et de rationnaliser l’utilisation des sols6.
l Renforcer les exigences de performance énergétique des bâtiments. Dans le cadre de projets de réhabilitation, modification ou surélévation de constructions existantes et de constructions neuves, le PLU peut fixer des exigences sur les caractéristiques thermiques et énergétiques des projets ou la qualité des matériaux employés. Elles viennent compléter les exigences légales relevant du Code de la construction et de l’habitation7, notamment le respect de la règlementation thermique. S’agissant par exemple de Paris, l’article UG 15 du PLU impose des obligations spécifiques lors de la construction de bâtiments nouveaux, afin que soient intégrés « les effets positifs de la végétalisation du bâti dans la perspective d’un bilan d’émission de CO2 aussi faible que possible en utilisant des matériaux à faible empreinte environnementale, en maîtrisant les consommations énergétiques et en privilégiant l’utilisation d’énergies renouvelables ».
Des contraintes similaires peuvent s’appliquer aux opérations de rénovation du bâti existant et imposer la mise en place de dispositifs d’économie d’énergie, de panneaux solaires, thermiques ou photovoltaïques, etc8. Enfin, depuis le 10 novembre 2019, la construction de certains projets9 soumis à autorisation d’exploitation commerciale doivent utiliser un procédé de production d’énergie renouvelable ou créer une toiture végétalisée10.
1. Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
2. Article L.331-3 modifié C.urb.
3. Article L.331-15 du CU.
4. Articles L.151-26 et L.151-17 du CU.
5. Article L.151-28 du CU.
6. Article 10 de la zone UG du PLU de Paris.
7. Articles L.111-9 à L.111-10-6.
8. Lors d’opération de réhabilitation lourde d’un bâtiment d’une surface de plancher supérieure à 1 500 m².
9. Les obligations s’appliquent, lorsqu’elles créent plus de 1 000 mètres carrés d’emprise au sol, aux nouvelles constructions soumises à une autorisation d’exploitation commerciale au titre des 1°, 2°, 4°, 5° et 7° de l’article L.752-1 du Code de commerce, aux nouvelles constructions de locaux à usage industriel ou artisanal, d’entrepôts, de hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale ainsi qu’aux nouveaux parcs de stationnement couverts accessibles au public.
10. Article L.111-18-1 du CU, anciennement article L.111-19 du CU désormais abrogé