La lutte contre l’artificialisation des sols, qui se traduit par la transformation d’un sol naturel dans le but de l’affecter à des fonctions urbaines (habitats, commerces, etc.), a été présentée comme l’un des objectifs du Gouvernement. Pour faire face au manque toujours structurel de logements, nombreuses ont été les incitations fiscales mises en place. Cependant, la question de la pérennité de cette politique de soutien doit aujourd’hui nécessairement se poser face aux défis environnementaux. La loi de finances (LF) pour 2021 du 29 décembre 2020 peut en partie nous permettre d’appréhender l’équilibre à trouver pour concilier cet objectif avec le développement de l’offre de logements.
Par Christophe Frionnet, avocat associé en fiscalité. Il conseille notamment les entreprises dans l’ensemble de leurs opérations. Il est chargé d’enseignement en matière de fiscalité immobilière à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. christophe.frionnet@cms-fl.com et Nathan Kegler, avocat en fiscalité. nathan.kegler@cms-fl.com
Prorogation du dispositif « Pinel »
Si la LF a prorogé le dispositif « Pinel » prévu à l’article 199 novovicies du Code général des impôts (CGI) et bénéficie aux contribuables qui acquièrent ou construisent des logements neufs, cette prorogation s’accompagne d’une réduction progressive de la réduction d’impôt accordée en 2023 et 2024 ce qui a pour vocation d’organiser la transition vers un nouveau dispositif.
A ce titre, il est prévu qu’un rapport présentant des dispositifs alternatifs sera remis au Parlement par le Gouvernement avant le 30 mars 2021.
De plus, le texte de loi confirme le recentrage du dispositif « Pinel » sur les logements acquis neufs ou en l’état futur d’achèvement situés dans un bâtiment d’habitation collectif et étend l’application de cette nouvelle condition aux logements que les contribuables font construire.
Aussi, il est fort à parier que les dispositifs, qui lui succéderont, encourageront davantage la rénovation de logements anciens en lieu et place de la construction de programmes immobiliers neufs.
D’ailleurs, cet objectif se retrouve déjà dans la LF 2021 qui prévoit que le taux de la réduction d’impôt « Pinel » restera inchangé jusqu’en 2024 pour les logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou qui satisfont des normes environnementales exemplaires.
Des abattements pour les opérations de grande ampleur
La loi n’a pas prorogé le dispositif temporaire prévu par l’article 28 de la LF rectificative pour 2017. Il permettait, sous conditions, de réduire de 70 % ou 85 % le montant de la plus-value imposable résultant de la cession de biens immobiliers bâtis ou non bâtis, sous réserve que le cessionnaire s’engage à y réaliser un ou plusieurs bâtiments d’habitation collectifs.
En parallèle, la loi instaure un nouveau dispositif d’abattement exceptionnel applicable dans des conditions similaires mais réservé aux cessions d’immeubles situés dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme ou d’une opération de revitalisation du territoire, c’est-à-dire au sein d’opérations de grande ampleur visant notamment à aménager ou rénover des parcs de logements et de locaux commerciaux préexistants.
Loi de finances pour 2021, lutter contre l’artificialisation des sols
Enfin, la LF proroge jusqu’au 31 décembre 20221 et assouplit le dispositif prévu par l’article 210 F du CGI. Celui-ci soumet à un taux réduit d’impôt sur les sociétés de 19 % les plus-values de cession de locaux à usage de bureaux ou à usage commercial ou industriel, destinés à être transformés en logements, ce qui se concilie avec l’idée de ne pas créer d’habitat là où les sols ne sont pas encore artificialisés.
Le texte prévoit notamment de permettre à l’acquéreur d’obtenir de l’administration, sur demande, et pour une durée d’un an, renouvelable une fois, une prolongation du délai de quatre ans au terme duquel il doit avoir achevé les travaux de transformation.
On aurait pu s’interroger, s’agissant des terrains « à bâtir », également compris dans le champ d’application de ce régime de faveur. Mais quand on sait que celui-ci est réservé aux seuls biens immobiliers situés dans les zones dites « A bis » et « A » du territoire, à savoir celles les plus denses de nos agglomérations, la probabilité de se trouver en présence d’un terrain nu n’ayant jamais été occupé en tout ou partie par des bâtiments est très rare. La notion de terrain à bâtir ici évoquée concerne par exemple des bâtiments simplement devenus impropres à un quelconque usage.
1. Ce dispositif s’appliquera aux promesses de vente conclues entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022 inclus, à condition que la cession soit réalisée au plus tard le 31 décembre 2024.