Par une décision du 11 décembre 2020 (n°422418, GKN Driveline), le Conseil d’Etat rappelle enfin que les outillages sont exonérés de taxe foncière.
Par Laurent Chatel, avocat associé en fiscalité. Spécialisé en impôts locaux, il assiste les entreprises et les établissements publics aussi bien en conseil qu’en contentieux ou dans le cadre d’audit et également les collectivités locales généralement dans leur relation avec l’Etat.
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Historiquement, la valeur foncière des établissements industriels, relevant de la méthode comptable, est appréciée en retenant 8 ou 9 % du prix de revient d’origine des terrains et constructions (il est utile d’indiquer que ce taux passe à 4 % dès 2021 réduisant donc de 50 % les évaluations foncières servant de base à la fois à la taxe foncière et à la cotisation foncière des entreprises (CFE) - article 29 de la loi de finances pour 2021).
La CET s’accompagne de la suppression de l’imposition des matériels
A l’époque de la taxe professionnelle, toutes les immobilisations spécifiques à l’activité étaient exonérées de taxe foncière conformément au 11° de l’article 1382 du Code général des impôts, CGI. Corrélativement, elles étaient imposées dans la catégorie des équipements et biens mobiliers (EBM) pour une base retenue à hauteur de 16 % du prix de revient.
L’instauration de la contribution économique territoriale (CET) ne devait pas avoir pour effet de remettre en cause cette exonération, comme l’ont soutenu certains vérificateurs, ces derniers estimant que toute immobilisation faisant corps avec l’immeuble devait être classée dans les biens de nature foncière. Pourtant, la définition des biens fonciers n’a pas été modifiée lors de la suppression de la taxe professionnelle.
Cette dérive constatée lors des contrôles fiscaux provient sans doute du fait que le Conseil d’Etat dans une décision du 25 septembre 2013 (n°357029, Menuiserie du Centre) a jugé que les biens fonciers « s’entendent de ceux qui participent directement à l’activité industrielle de l’établissement et sont dissociables des immeubles ».
Selon l’interprétation des vérificateurs, tous les immeubles par destination, qui sont des biens indissociables de l’immeuble avec lequel ils font corps, venaient majorer le prix de revient des immeubles évalués en méthode comptable.
Il aura donc fallu sept ans de contentieux au cours desquels nous avons expliqué l’origine de l’article 1382 11° du CGI. Force est de constater que ce dispositif n’aurait aucune utilité s’il visait à exonérer uniquement les biens mobiles ou démontables, lesquels sont exonérés de taxe foncière par nature. D’ailleurs, dans les années 80, la Haute assemblée avait jugé qu’une cheminée d’usine en béton, constituant donc un immeuble par destination non déplaçable, relevait bien de l’exonération précitée applicable aux installations spécifiques à l’activité de l’exploitant.
Les outillages exclus de l’évaluation foncière
Dans cette décision adoptée en formation plénière, le Conseil d’Etat précise donc que si l’évaluation foncière intègre les immobilisations faisant corps avec l’immeuble, le 11° de l’article 1382 du code exonère « ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d’exploitation d’un établissement industriel, […] ».
Les immobilisations qui étaient exonérées de taxe foncière sous l’empire de la taxe professionnelle, pour être imposables dans la catégorie des EBM, ne sont donc pas devenues foncières à compter de l’entrée en vigueur de la CET.
Dans les nombreux litiges dont les juridictions sont actuellement saisies, il est temps désormais de rappeler ces principes. Nous ne doutons pas que les instances en cours pourront trouver des solutions favorables, à condition bien évidemment pour le contribuable concerné d’être en mesure de prouver que l’immobilisation qu’il entend exclure participe directement à son processus industriel.
Pour les entreprises qui n’auraient pas contesté l’analyse des vérificateurs qui les auraient rehaussés sur ce motif de non-dissociabilité de l’immobilisation avec l’immeuble, ou qui en auraient inclus à tort en foncier, il est toujours temps de réclamer en taxe foncière et en CFE sur les années non prescrites.