La question se pose souvent de l’intérêt au plan fiscal de détenir au sein d’une même structure juridique ou au sein de structures distinctes, murs et fonds d’hôtel.C’est dans la définition des sociétés à prépondérance immobilière (SPI) et de leur traitement fiscal que se trouve la réponse.
Par Richard Foissac, avocat associé en fiscalité. Il traite notamment des dossiers d’acquisition et de restructuration de groupes immobiliers cotés ou non cotés et les conseille sur leurs opérations. Il est chargé d’enseignement en droit fiscal aux Universités Paris I et Nice Sophia-Antipolis. richard.foissac@cms-bfl.com
Si le Code général des impôts (CGI) contient différentes définitions de la prépondérance immobilière (PI) selon que l’on traite des plus-values de cession de titres, des droits de mutation, de l’impôt sur la fortune (ISF) ou bien encore de la taxe de 3 %, il existe néanmoins un principe général qui est que les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation ne sont pas retenus – sauf exception pour les droits de mutation à titre onéreux – pour le calcul du ratio de prépondérance immobilière («ratio de PI»).
Les murs d’un hôtel constituent des biens affectés à l’exploitation de la société qui les détient lorsqu’elle exploite directement le fonds d’hôtel, mais la question se pose de savoir si des détentions ou des exploitations au sein de structures distinctes peuvent produire les mêmes effets.
Force est de considérer que les solutions données par l’administration fiscale ne sont pas les mêmes selon les impôts concernés.
Ainsi en matière de plus-values de cession de titres de SPI des particuliers (article 150 UB du CGI), ne sont pas pris en compte pour l’appréciation du ratio de PI, les droits détenus dans le cadre d’un contrat de crédit-bail immobilier (BOI-RFPI-SPI-10-20 n° 60), mais ceci découle directement du texte même de l’article 150 UB. En revanche, sous le régime de l’ancien article 150 A bis devenu 150 UB du CGI, l’Administration avait indiqué que les immeubles dans lesquels était exploité un fonds de commerce donné en location-gérance constituaient des immeubles affectés à l’exploitation (réponse ministérielle Kert : AN 22 novembre 1993, p 4143 n° 1368), mais cette solution n’a pas été reprise au Bulletin officiel des finances publiques et l’on ne peut ainsi s’en prévaloir directement bien qu’à notre sens l’analyse devrait être la même. Par ailleurs, il n’existe pas de position administrative publiée concernant la détention des murs par voie de filiales dans le cadre de l’article 150 UB.
En matière de plus-values de cession de SPI des entreprises (article 219 I a sexies-0 bis du CGI), l’Administration opère en revanche une distinction entre titres de SPI et immeubles détenus par la SPI (BOI-IS-BASE-20-20-10-30 n° 80 et suivants). Ainsi, le principe reste celui selon lequel un immeuble détenu par une société et affecté à l’exploitation d’une autre société ne constitue pas un moyen permanent d’exploitation de la société propriétaire, nonobstant l’existence de liens de dépendance entre la société propriétaire et la société utilisatrice du bien.
Et dans cette situation, les titres de la société filiale immobilière restent des titres de SPI dont la cession relève quelle que soit la durée de détention des titres du régime de l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun.
En revanche, pour l’appréciation de la PI de la société utilisatrice du bien immobilier (locataire le plus souvent) l’Administration accepte de ne pas retenir au numérateur du ratio de PI les titres de SPI inscrits à l’actif de la société utilisatrice lorsque les immeubles détenus par ces sociétés sont principalement affectés à l’exploitation industrielle, commerciale, agricole ou non commerciale de la société détentrice des titres de la filiale SPI.
Si une société hôtelière peut ainsi détenir les murs d’hôtel directement ou via une filiale, les conséquences ne sont cependant pas tout à fait les mêmes en termes de calcul de ratio de PI.
Dans le premier cas en effet, l’immeuble, quelle que soit sa valeur, est exclu du numérateur alors qu’il figure au dénominateur et la question des dettes de financement ne se pose pas puisque le ratio de PI se calcule exclusivement à partir des postes d’actifs du bilan.
Il en va différemment lorsque les murs sont détenus par une filiale puisque ce sont alors les titres de la société filiale SPI qui sont exclus du numérateur du ratio de PI de la société mère pour figurer au dénominateur pour une valeur qui tient compte des dettes de financement. Cette situation ne pose pas de difficultés particulières si la société hôtelière ne détient pas d’autres immeubles mais, dans le cas contraire, il peut être utile de procéder au financement de la filiale SPI par avance d’associé puisque celle-ci constitue un actif supplémentaire non immobilier qui améliore alors le ratio de PI.
Par ailleurs, il n’existe pas de limitation «en valeur» à la détention d’immeubles affectés à l’exploitation et des fonds en ce que la seule affectation à une activité professionnelle effective, quelle que soit la valeur des murs par rapport à celles des fonds, suffit à exclure du numérateur du ratio les immeubles en question.
La notion d’exploitation effective recouvre à notre sens toutes les formes d’exploitation, à savoir exploitation directe, par voie de simple mandat de gestion (qui n’opère pas transmission du fonds de commerce) et par voie nous semble-t-il de location gérance puisque dans ce cas, c’est le propriétaire du fonds qui reste bailleur.
L’activité professionnelle doit enfin être simplement effective quand bien même elle serait déficitaire et la décision de cessation d’activité, compte tenu des conséquences qu’elle entraîne, doit toujours être analysée avec attention.
A ce titre, il faut prendre en considération les différentes définitions de la PI en ce qu’elles retiennent des dates différentes pour appréhender la PI d’une société.
Ainsi à titre d’exemple, pour les plus-values des particuliers, une société n’est à PI que lorsqu’elle l’a été au titre des trois exercices clos précédant sa cession ou si elle existe depuis une période inférieure, si elle l’a été à la clôture de chacun de ses exercices clos ou enfin à la date de cession de ses titres si elle n’a pas encore clos de premier exercice à cette date. Ainsi, une société peut devenir intégralement ou majoritairement immobilière sans pour autant immédiatement relever de la catégorie fiscale des SPI.
En revanche, pour les plus-values professionnelles, l’article 219 I a sexies-o bis en ce qu’il définit comme SPI les sociétés dont l’actif est à la date de la cession de ses titres ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles (…), retient une qualification de PI «instantanée».
En matière d’ISF dans sa forme actuelle (article 885 L du CGI), la PI affecte différemment les contribuables selon qu’ils sont résidents ou non-résidents et, dans ce dernier cas, selon qu’il existe ou non des dispositions conventionnelles entre la France et l’Etat de résidence en matière d’ISF.
Pour les résidents, l’activité hôtelière d’une société qualifie une activité professionnelle et – toutes autres conditions réputées remplies – permet de traiter les titres détenus comme des biens professionnels. Si les murs détenus directement par la société hôtelière font indirectement l’objet de la même exonération (en tant qu’actifs exonérés de la société professionnelle), l’Administration a admis depuis longtemps une exonération «par extension» des titres de SPI lorsqu’elles détiennent des immeubles mis à disposition de la société d’exploitation sous certaines conditions (BOI-PAT-ISF-30-30-10-20-20120912 n° 50 à 70).
Les non-résidents sont différemment concernés par les règles de PI puisqu’elles qualifient hors convention la détention indirecte de biens immobiliers français et l’article 750 ter du CGI exclu de la même façon les immeubles affectés par la société propriétaire à sa propre exploitation professionnelle.