Janus, le premier des dieux romains, avait notamment pour attribution d’être le gardien des portes, autorisant les entrées et les sorties. Un examen de la dernière saison jurisprudentielle montre que, tel Janus, le juge fiscal a plus que jamais pour rôle de décider quelles sont les sociétés civiles immobilières (SCI) de construction-vente qui doivent entrer, ou sortir, du champ d’application du régime de translucidité fiscale de l’article 239 ter du Code général des impôts.
Par François Lacroix, avocat associé en fiscalité. Il intervient plus particulièrement dans les secteurs de la fiscalité immobilière, des services publics, des entreprises et des personnes morales publiques ou privées non lucratives. francois.lacroix@cms-bfl.com
Ainsi, ont été rendues certaines décisions maintenant ouverte la porte de la translucidité fiscale à des SCI qui aurait pu en être privées, s’étant livrées à des opérations autres que de construction-vente : par exemple, une vente d’équipements mobiliers et de linge de maison jugée accessoire à la construction-vente des appartements d’une résidence de tourisme (CAA Marseille, n° 14MA00304, 31 mai 2016) ou la cession d’une fraction non construite d’un terrain nécessaire au financement de la construction-vente de l’autre fraction du terrain (CAA Bordeaux, n° 15BX04169, 30 juin 2017). Se confirme ainsi le courant libéral auquel le juge fiscal recourt lorsqu’il estime devoir faciliter l’application à certaines opérations du régime de l’article 239 ter, dans des situations que nous avions déjà évoquées (cf. la Lettre de l’Immobilier du 19 septembre 2016, page 12).
En revanche, le juge a récemment fermé la porte de la translucidité fiscale à certaines SCI dont l’activité de construction-vente, le plus souvent réelle et conforme aux conditions de l’article 239 ter, ne correspondait pas à celle prévue dans leurs statuts. Ainsi en a-t-il été de SCI dont l’objet social, soit indiquait un lieu de construction-vente d’immeuble autre que celui où s’est tenue l’opération réelle (CAA Nantes, n° 15NT03540, 1er juin 2017), soit incluait génériquement la gestion et l’administration (pouvant donc viser celle pour compte de tiers) de tout immeuble en France ou à l’étranger (CAA Versailles, n° 16VE01813, 20 avril 2017), soit visait la réalisation de prestations de services, pour peu qu’elles soient à caractère commercial (CAA Marseille n° 15MA01486, 29 décembre 2016), ou, enfin, celle de revente de terrains nus, lorsque la preuve de la non-construction a pu être apportée (CAA Nantes, n° 16NT00864, 14 juin 2017).
En apparence, ces décisions sont défavorables, puisque structurant un assujettissement de ces SCI à l’impôt sur les sociétés. Pourtant, elles ont toutes été prononcées sur la demande des contribuables de voir ce régime appliqué. Déjà identifié (cf. la Lettre de l’Immobilier du 6 février 2017, page 12), ce phénomène conduit par sa persistance à deux observations.
La première, pour souligner la propension du juge fiscal à prendre en compte littéralement les statuts de ce type de SCI et à sanctionner rigoureusement tout écart à la règle fiscale.
Certes, en première analyse, le constat d’un tel formalisme apparaît donc favorable aux contribuables qui l’invoquent, fins connaisseurs de ce régime fiscal et soucieux de s’octroyer un choix entre les deux régimes fiscaux en fonction de leurs intérêts.
La seconde, pour craindre que la majorité des SCI et de leurs associés, ne prêtant pas la même attention à leurs statuts, puisse se voir reprocher l’inadéquation fiscale de ces derniers. En effet, si le Conseil d’Etat devait confirmer la position des juges du fond, ce serait au détriment de l’Administration, et cette dernière pourrait être tentée de passer préventivement au crible les statuts des SCI (délaissant ainsi la réalité de l’activité sociale) afin d’éviter tout risque d’être ultérieurement prescrite. Pourrait être alors ouverte une chasse systématique aux statuts disposant de mots soit manquants soit superfétatoires, dans le but de priver ces SCI du choix entre ces deux fiscalités.