Dans une entreprise hôtelière, il est classique de séparer les murs, propriété d’une société immobilière, et l’exploitation du fonds de commerce assurée par une entité opérationnelle qui prend les murs en location. Cette structuration peut, sur certains aspects fiscaux français, s’avérer désavantageuse en présence d’investisseurs non résidents.
Par Julien Saïac, avocat associé en fiscalité internationale. Il traite plus particulièrement des questions relatives aux restructurations internationales et aux investissements immobiliers. julien.saiac@cms-bfl.com et Frédéric Roux, avocat en fiscalité internationale. frederic.roux@cms-bfl.com
Cette structuration peut, sur certains aspects fiscaux français, s’avérer désavantageuse en présence d’investisseurs non résidents.
Pour des investisseurs personnes physiques résidents de France, une telle structure ne crée généralement pas de distorsion par rapport à celle dans laquelle les murs et le fonds de commerce sont détenus par une société unique. Par exemple, en matière d’impôt sur la fortune, les parts de la société immobilière qui donne en location l’immeuble à la société exploitant le fonds peuvent être qualifiées de biens professionnels exonérés d’ISF pour l’associé des deux sociétés. En présence d’un investisseur non-résident, celui-ci peut se trouver soumis à l’ISF en France sur la valeur des parts de la société détenant l’immeuble, même en cas de détention indirecte via une société étrangère. En effet, un non-résident est soumis à l’ISF en France notamment sur les parts ou actions d’une société dont l’actif est composé à plus de 50 % de biens ou droits immobiliers situés en France. Toutefois, les immeubles affectés à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle, agricole ou non commerciale de la société (excluant une activité de simple location) sont exclus du ratio. Mais le texte de loi précise qu’il doit s’agir de la «propre exploitation» de la société propriétaire du bien. On en déduit donc que, lorsque l’immeuble en question sert à l’activité professionnelle d’une société tierce, même liée, dans le cadre d’une structure hôtelière par exemple, la société propriétaire des murs ne pourrait se prévaloir de l’exception et pourrait être considérée comme étant à prépondérance immobilière, ce qui entraînerait l’assujettissement à l’ISF en France de son associé non-résident, sous réserve de l’exonération des biens professionnels.
Cette solution est différente de celle retenue pour la taxe de 3 % applicable aux sociétés à prépondérance immobilière en France. Les immeubles affectés à une activité professionnelle autre qu’immobilière sont ainsi exclus du ratio de prépondérance immobilière, lorsque l’activité professionnelle en question est exercée non seulement par l’entité propriétaire elle-même mais également par une entité liée à cette dernière au sens de l’article 39.12 du Code général des impôts, y compris lorsque les deux sociétés liées sont détenues par une même personne physique et non par une société.
La même difficulté peut se rencontrer dans la phase de désinvestissement puisqu’en matière d’imposition des plus-values immobilières des non-résident1, les immeubles affectés à une activité professionnelle sont exclus du ratio de prépondérance immobilière, mais à condition qu’il s’agisse de la propre exploitation de la société testée. La cession des parts d’une société française ou étrangère détenant les murs de l’hôtel pourrait donc être imposée en France alors que la détention via une société unique des murs et du fonds aurait pu permettre d’éviter cette imposition en fonction des valeurs respectives des murs et du fonds de commerce.
Les conventions fiscales conclues par la France qui contiennent des clauses spécifiques pour les sociétés immobilières, notamment en matière d’imposition des gains de cession ou d’imposition sur la fortune, ne permettent généralement pas d’infléchir ces solutions. En effet, celles excluant les sociétés détenant des biens immobiliers affectés à une activité professionnelle précisent en général qu’il doit s’agir de la «propre exploitation» de la société en question, ce qui, encore une fois, semble écarter l’hypothèse d’une affectation de l’immeuble à une société liée.
1. Régime de l’article 244 bis A du Code général des impôts applicable en cas de cession de titres de sociétés françaises ou étrangères à prépondérance immobilière en France.