L’octroi de management packages comprenant la souscription de parts ou d’actions nécessite en pratique de valoriser lesdites parts ou actions afin de s’assurer que l’entrée au capital des managers est bien réalisée dans des conditions de marché. En effet, à défaut, l’administration fiscale pourrait requalifier le gain réalisé par le manager à l’issue de l’opération en complément de salaire.
Par Xavier Daluzeau, avocat associé en droit fiscal, spécialisé en fiscalité Internationale, il intervient plus particulièrement dans le domaine des prix de transfert.
Et Eléonore Christiaens, avocat en droit fiscal, spécialisée en fiscalité internationale, elle intervient notamment sur les problématiques de prix de transfert.
eleonore.christiaens@cms-fl.com
Cette question de la valorisation des parts est d’autant plus délicate lorsqu’elle se pose dans le cadre de fonds d’investissement créés en vue de la réalisation d’opérations immobilières. En effet, dans cette hypothèse, la réalisation de gains par le porteur de parts dépendra directement du succès des projets immobiliers financés, succès mesuré à partir de la réalisation d’un objectif de taux de rendement déterminé en amont. Ainsi, si les titres souscrits sont susceptibles de lui rapporter des gains substantiels en cas de réussite des projets, ils présentent un risque élevé d’avoir une valeur nulle, faisant ainsi perdre au manager son investissement initial.
En pratique, les méthodes Black-Scholes-Merton ou Monte Carlo sont généralement retenues
L’incertitude pesant sur la réalisation d’un gain pour le manager, intrinsèque à un projet d’investissement, conduit à écarter les méthodes classiques de valorisation, en particulier la méthode des discounted cash flows (« DCF ») fondée sur l’actualisation des flux futurs de trésorerie prévisionnels et à préférer les méthodes habituellement utilisées pour valoriser les produits dérivés rencontrés sur le marché financier.
En effet, les mécanismes prévus pour les parts faisant l’objet de la valorisation peuvent être rapprochés des mécanismes des options d’achat d’actions. Ainsi, il est possible de se référer à des modèles estimant l’évolution du cours de l’action pendant la période de vie de l’option, comme les simulations de Monte Carlo, fondées sur des modèles probabilistes, ou le modèle de Black-Scholes-Merton.
En pratique, et quel que soit le modèle retenu, l’évaluateur doit déterminer les paramètres à mettre en œuvre, au vu des spécificités des conditions de souscription des parts qu’il cherche à évaluer et du projet sous-jacent. Lors d’un éventuel contrôle fiscal, l’administration pourra questionner et remettre en cause les paramètres retenus. Même si la jurisprudence a pu valider, dans certaines circonstances, des modèles comme celui de Black-Scholes-Merton, leur mise en œuvre est relativement complexe dans la mesure où ces modèles sont généralement adaptés à la valorisation d’options d’achat d’actions cotées, alors que la valeur de l’actif à évaluer repose sur la réussite des projets immobiliers du fonds d’investissement concerné.
Des décotes spécifiques peuvent aussi être envisagées
Afin de prendre en compte les caractéristiques de l’actif valorisé qui ne seraient pas appréhendées par le modèle mis en œuvre, des décotes spécifiques peuvent être appliquées à la valeur obtenue via ce modèle. Ainsi, il est a priori possible de retenir une décote d’illiquidité au motif que les parts de fonds d’investissement acquises ne sont pas des titres négociables sur le marché. Toutefois, l’application de cette décote devrait être discutée au cas par cas, compte tenu de l’existence de clauses organisant le rachat par le fonds des participations des managers lors du départ anticipé de ces derniers. Enfin, une décote pour absence de contrôle, peut également être envisagée.
Compte tenu de la complexité du sujet et des enjeux fiscaux potentiellement importants pour les managers, il est fortement recommandé de disposer d’un rapport d’évaluation permettant de justifier le prix retenu pour des parts accordées dans le cadre de management packages.