La lettre de l'immobilier

Juin 2021

SPAC : intérêt de la société d’acquisition à vocation spécifique

Publié le 4 juin 2021 à 10h43

CMS Francis Lefebvre Avocats

Si les SPACs (Special Purpose Acquisition Company, ou société d’acquisition à vocation spécifique) ont actuellement le vent en poupe en France, ils ne s’intéressent pas encore au secteur de l’immobilier. Pourtant, il existe outre atlantique des exemples récents à l’initiative de professionnels du secteur (ex : Tishman Speyer, Simon Property Group ou CBRE).

Par Marc-Etienne Sébire, avocat associé en banque & finance. Il est responsable de l’équipe marchés de capitaux. Il  conseille les établissements financiers, les émetteurs et les investisseurs sur les opérations de marchés de capitaux. 

marc-etienne.sebire@cms-fl.com

Alexandre Delhaye, avocat associé en corporate/fusions & acquisitions. Il intervient pour le compte d’industriels, de fonds d’investissement et de managers, ainsi que dans le cadre de réorganisations de groupes.

alexandre.delhaye@cms-fl.com

Thierry Granier, avocat associé en fiscalité. Il intervient notamment sur les structurations de fonds immobiliers dans un contexte international. 

thierry.granier@cms-fl.com

Et Yacine Bousraf, avocat en fiscalité. Il intervient notamment en matière de transactions immobilières et de structuration de fonds immobiliers.

yacine.bousraf@cms-fl.com

Même si les PropTech constituent des cibles naturelles pour les SPACs, certaines classes d’actifs immobiliers de niche ou liés à des secteurs en croissance (ex : santé, data centers, entrepôts péri-urbains…) pourraient susciter l’intérêt d’investisseurs. Des actifs plus traditionnels pourraient également se révéler être attrayants si les conditions de prix et de calendrier sont compatibles avec les contraintes des SPACs. Il pourrait ainsi être imaginé d’avoir recours à un SPAC pour l’acquisition d’un portefeuille d’actifs ou une cible combinant l’exploitation et les murs.  

Le SPAC pourrait ainsi constituer une alternative aux fonds de private equity ou aux REITs (Real Estate Investment Trusts) cotés ou non.

Qu’est-ce qu’un SPAC ?

Un SPAC est une société qui n’a pas encore d’activité et qui lève des fonds, dans le cadre d’une introduction en bourse, pour financer l’acquisition de sociétés non encore identifiées. Du fait de l’absence d’activité historique, la décision d’investir dans la société est prise essentiellement sur le fondement de l’identité des fondateurs et dirigeants du SPAC (les sponsors), de leur expertise dans le domaine d’activité ciblé et du programme d’investissement présenté dans le prospectus d’introduction en bourse. En effet, une fois les fonds levés, le SPAC cherchera à identifier des cibles potentielles pour réaliser une ou plusieurs acquisitions qui lui permettront de poursuivre l’activité des sociétés acquises en tant que société cotée. Pour la société acquise, le SPAC peut donc également être un moyen d’accéder à la liquidité des marchés de capitaux sans avoir à passer elle-même par l’étape de l’introduction en bourse.

Quand sont apparus les SPACs ?

Les SPACs existent depuis de nombreuses années aux Etats-Unis, allant jusqu’à y représenter une part très significative des introductions en bourse réalisées au cours des dernières années. En Europe, les SPACs, apparus timidement il y a quelques années, notamment sur la bourse d’Amsterdam, connaissent un important regain d’intérêts. En France, le premier SPAC, Mediawan, a été introduit sur le compartiment professionnel du marché réglementé d’Euronext Paris en 2016 et s’il a fallu attendre décembre 2020 pour qu’un second, 2MX Organic, l’y rejoigne, le marché est lancé et d’autres devraient suivre.

Quelles sont les protections pour les investisseurs ?

Si le prospectus décrit les critères d’investissement que les dirigeants du SPAC s’engagent à suivre pour procéder aux futures acquisitions, les cibles ne sont pas encore identifiées au moment de l’introduction de en bourse. Au-delà des éléments communiqués dans le prospectus, il existe toutefois deux protections principales pour les investisseurs. 

D’une part, les dirigeants du SPAC sont tenus de procéder à la première acquisition dans un certain délai (souvent entre 18 et 24 mois) après l’introduction en bourse. Si l’acquisition promise n’a pas eu lieu à l’issue de ce délai, le SPAC est liquidé et les investisseurs récupèrent le montant de leur investissement, en priorité par rapport aux fondateurs qui supportent donc les frais de l’introduction. Pour assurer aux investisseurs que le SPAC disposera des fonds nécessaires à leur désintéressement, le produit de l’introduction en bourse est conservé en séquestre à cet effet jusqu’à la première acquisition.

D’autre part, lors de la première acquisition, les investisseurs ont la possibilité, si la société devant être acquise ne leur convient pas, d’obtenir le remboursement de leurs actions, en bénéficiant là-aussi de la protection liée au séquestre. Cette faculté n’est toutefois ouverte que pour la première acquisition : si l’investisseur la valide, les dirigeants du SPAC peuvent librement procéder aux acquisitions ultérieures conformément aux critères présentés dans le prospectus, comme une société classique, sans que les actionnaires n’aient un nouveau droit de sortie.

Quels sont les mécanismes juridiques mis en œuvre ?

Le recours à plusieurs catégories d’actions de préférence (articles L.228-11 et s. du Code de commerce) permet d’attribuer des droits différents aux promoteurs du SPAC et aux investisseurs. Notamment, pour les investisseurs, l’émission d’actions de préférence stipulées rachetables, le cas échéant assorties de bons de souscription d’actions également stipulés rachetables, permet la mise en œuvre du droit de retrait. Une fois la première acquisition réalisée, les actions de préférence des investisseurs qui n’ont pas demandé à les faire racheter ont vocation à être converties en actions ordinaires, fongibles avec les actions détenues par les promoteurs du SPAC.

S’agissant d’une introduction en bourse sur un marché réglementé, le SPAC doit rédiger un prospectus. Ce dernier doit contenir les informations nécessaires qui sont importantes pour permettre à un investisseur d’évaluer en connaissance de cause l’actif et le passif, les profits et pertes, la situation financière et les perspectives de l’émetteur, les droits attachés aux actions et les raisons de l’émission, conformément au Règlement Prospectus (Règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017) et être approuvé par l’Autorité des marchés financiers. Le fait que l’admission des actions soit réalisée sur le compartiment professionnel du marché où elles ne peuvent être acquises par un investisseur autre qu’un investisseur qualifié qu’à l’initiative de cet investisseur et lorsque ce dernier a été dûment informé des caractéristiques de ce compartiment, permet de bénéficier de quelques souplesses, notamment la possibilité de rédiger le prospectus en anglais pour faciliter le placement auprès d’investisseurs internationaux.

Quel est l’accueil réservé aux SPACs par l’AMF ?

L’Autorité des marchés financiers, qui doit approuver le prospectus d’introduction en bourse, voit le développement des SPACs en France d’un œil favorable et a publié le 15 avril 2021 un communiqué confirmant que le cadre juridique et les exigences réglementaires en vigueur en France permettent d’accueillir la cotation des SPACs à Paris tout en offrant une protection appropriée aux investisseurs. 

L’AMF est notamment attentive à l’existence d’engagements de conservation de leurs actions par les fondateurs du SPAC, à la gestion des conflits d’intérêt, à ce que l’information délivrée aux investisseurs soit complète, compréhensible et cohérente, à la mise en place d’un séquestre pour les fonds levés lors de l’introduction en bourse dans l’attente de la première acquisition, à la possibilité pour les investisseurs, au moment de l’acquisition initiale, de se faire rembourser et aux modalités d’approbation de l’opération d’acquisition initiale et à l’information diffusée à ce titre aux investisseurs.

Quel est le régime fiscal d’un SPAC immobilier ?

Les SPACs, constitués sous forme de sociétés de capitaux, sont soumis à l’IS dans les conditions de droit commun. 

L’option pour le régime SIIC pourrait toutefois être envisageable en présence d’un SPAC poursuivant une stratégie d’investissement immobilier « core ». Le SPAC bénéficierait alors d’une exonération d’IS sur les bénéfices provenant de son activité de foncière ; en synthèse1 :

– exonération des bénéfices provenant de la location d’immeubles et de la sous-location d’immeubles pris en crédit-bail à condition que 95 % de ces bénéfices soient distribués aux actionnaires avant la fin de l’exercice qui suit celui de leur réalisation ;

­– exonération des plus-values réalisées lors de la cession d’immeubles, de droits afférents à un contrat de crédit-bail immobilier, de participations dans des sociétés de personnes ou de participations dans des filiales ayant opté pour le régime filiale SIIC à condition que 70 % de ces plus-values soient distribués aux actionnaires avant la fin du deuxième exercice qui suit celui de leur réalisation ;

– exonération des dividendes reçus des filiales SIIC à condition qu’ils soient redistribués en totalité au cours de l’exercice suivant celui de leur perception. 

L’exercice de l’option est notamment conditionné au respect des conditions suivantes :

– le SPAC doit avoir un capital minimum de quinze millions d’euros2 ;

– le SPAC doit avoir pour objet social principal l’acquisition ou la construction d’immeubles en vue de la location, ou la détention directe ou indirecte de participations dans des personnes morales dont l’objet social est identique.

L’option pour le régime SIIC ne priverait donc pas le SPAC de la possibilité d’exercer, à titre accessoire, des activités non éligibles telles que celles de marchand de biens et de promotion immobilière. En revanche, selon les commentaires de l’administration fiscale, la valeur brute des actifs utilisés pour la réalisation des activités accessoires ne doit jamais dépasser 20 % du total de l’actif brut d’une SIIC3. Cette doctrine ajoute à la loi qui ne prévoit aucun plafond4. Le plafond de 20 % ne devrait donc pas nécessairement être regardé comme un obstacle à l’application du régime SIIC. Bien entendu, les bénéfices générés par les activités accessoires demeurent, en toute hypothèse, soumis à l’IS.

Quel est le régime fiscal applicable aux actionnaires d’un SPAC immobilier ?

Les actionnaires personnes physiques sont soumis à la flat tax de 30 % ou, sur option expresse, au barème progressif de l’IR. Les actions du SPAC peuvent toutefois être logées dans un PEA/PEA-PME lorsque l’option pour le régime SIIC n’est pas exercée. Dans ce cas, seuls les prélèvements sociaux de 17,2 % sont dus.

Les actionnaires personnes morales sont soumis à l’IS dans les conditions de droit commun à moins que ces derniers puissent se prévaloir du régime mère-fille au titre des dividendes reçus du SPAC (ce qui suppose que les investisseurs détiennent au moins 5 % des actions du SPAC pendant plus de 2 ans et que les produits distribués ne soient pas prélevés sur des bénéfices exonérés5).

Les versements de dividendes aux actionnaires non-résidents sont susceptibles d’être grevés d’une retenue à la source française6. L’existence et le montant du prélèvement varie en fonction de la nature de l’actionnaire, de son pays de résidence ainsi que de son niveau de participation dans le SPAC. Enfin, les actionnaires non-résidents détenant moins de 10 % du capital d’un SPAC immobilier bénéficient d’une exonération au titre des plus-values réalisées à l’occasion de la cession des actions du SPAC7. A cet égard, l’exercice de l’option pour le régime SIIC est indifférent.

1. Article 208 C, II du CGI.

2. Le capital ou les droits de vote ne doivent pas être détenus directement ou indirectement, à hauteur de 60% ou plus par une ou plusieurs personnes agissant de concert au sens de l’article L. 233-10 du code de commerce. En outre, 15 % du capital et des droits de vote d’une SIIC doivent être répartis entre des personnes en détenant chacune moins de 2 % au premier jour d’application du régime. Ce seuil de flottant minimum doit seulement être respecté le premier jour d’application du régime.

3. BOI-IS-CHAMP-30-20-10 n°360.

4. Article 145 du CGI.

5. Article 208 C, I du CGI.

6. Article 119 bis du CGI, CGI art. 208 C, II-ter.

7. Article 244 bis A, I-3 du CGI.


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