Etablir des règles de gouvernance précises et adaptées : un enjeu majeur pour les sociétés familiales qui doivent surmonter des défis spécifiques (résolution des conflits familiaux, transmission intergénérationnelle, etc.) afin d’assurer leur pérennité.
Par Anne-Flore Millet, avocate en corporate/fusions-acquisitions. Elle intervient principalement dans le cadre d’opérations de fusions-acquisitions et de private equity, tant sur le plan national qu’international, auprès de tous types de clients (industriels, fonds d’investissement et managers) / Marie Saunier, avocate en corporate/fusions-acquisitions. Elle conseille les entreprises françaises et internationales sur des opérations de fusions & acquisitions, restructurations internes et sur toute problématique de droit des sociétés.
Appliquée aux sociétés familiales, la gouvernance désigne les règles régissant le fonctionnement de l’entreprise et de la famille qui la contrôle, ainsi que les modalités d’interaction entre ces deux sphères. Ces problématiques varient selon la taille de l’entreprise, le nombre de générations impliquées ou encore le contexte familial. Les enjeux deviennent particulièrement sensibles lorsque le fondateur cède sa place aux nouvelles générations ou en présence de plusieurs groupes familiaux.
L’un des principaux défis est la définition, au sein de la famille, de la répartition des rôles entre ses membres, lesquels, selon qu’ils ont seulement la qualité d’actionnaires ou qu’ils occupent également des fonctions de direction, n’auront pas les mêmes motivations. Si l’on considère le fait que peu de sociétés familiales perdurent au-delà de la troisième génération, souvent en raison de conflits familiaux, la définition de règles de gouvernance précises et adaptées permettant de concilier les intérêts personnels de chacun et les intérêts économiques de l’entreprise est clé pour assurer la pérennité de celle-ci.
Le pacte d’actionnaires et la charte familiale
La première étape consiste à formaliser un pacte d’actionnaires, qui définit les règles de gouvernance applicables au sein des organes dirigeants (conseil d’administration, conseil de surveillance, etc.).
En présence d’actionnaires non familiaux (e.g. investisseurs financiers) ou de sociétés comportant plusieurs groupes familiaux, il est essentiel de compléter ce pacte (qui a force obligatoire) par une charte familiale. Ce document a pour objectif de définir les valeurs qui serviront de guide au groupe familial concerné ainsi que les rôles de chacun et les modalités de représentation et de prise de décisions en son sein. Bien qu’elle ne soit pas juridiquement contraignante, la charte familiale crée un cadre de fonctionnement interne qui facilitera la gestion des relations au sein de la famille.
L’importance des instances familiales
Mises en place conformément à la charte, elles ont vocation à représenter les membres de la famille au sein des organes de direction ; l’objectif étant de permettre d’aligner leurs intérêts en amont de la prise de décisions stratégiques par les instances dirigeantes compétentes, tout en limitant le nombre de membres présents au sein de ces instances pour ne pas alourdir le processus décisionnel.
La résolution des conflits
Malgré cette organisation des rôles, il est indispensable de prévoir des mécanismes de résolution des conflits. A cette fin, à l’aune de ce qui est prévu par les Codes AFEP-MEDEF et Middlenext, il est recommandé de nommer un ou plusieurs administrateurs indépendants ou référents, lesquels veilleront au respect des règles de gouvernance et pourront intervenir en cas de conflits (en qualité de médiateurs ou tiers arbitres). Leur mandat est particulièrement clé (i) dans les sociétés avec des actionnaires minoritaires car ils garantissent une certaine forme d’indépendance ou (ii) en présence de différents groupes familiaux car ils peuvent servir de contrepouvoir à un groupe familial minoritaire sous-représenté.
Anticiper la succession
Une structure de gouvernance claire est également primordiale pour la gestion de la succession. Afin de préparer au mieux la transmission de l’entreprise, il est essentiel d’anticiper l’implication des générations futures. L’une des options peut être de prévoir leur participation aux instances collégiales, en tant que censeurs ou observateurs. Cela permet non seulement de les impliquer progressivement, mais aussi de faciliter la continuité de l’entreprise familiale au moment de la transmission.