La CAA de Paris vient de rappeler qu’un mali technique n’est pas un vrai mali, mais avec une précision discutable.
Par Maxime Carpentier, avocat en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés qu’en fiscalité des transactions.
Lorsque, dans le cadre d’une fusion ou d’une dissolution-confusion (1), la société absorbante détient des parts de la société absorbée, une telle opération peut générer au niveau de cet associé un boni ou un mali.
Ce boni ou mali est égal à la différence entre (i) la valeur des titres de l’absorbée au bilan de l’absorbante et (ii) l’actif net transmis par l’absorbée à l’absorbante. Si la différence est positive, il s’agit alors d’un boni, lequel peut ne pas être imposable en vertu du régime fiscal spécial des fusions. Si la différence est négative, le mali peut être « technique » ou « réel ». Il est dit « technique » à hauteur des plus-values latentes lorsque celles-ci sont supérieures à l’actif net comptable reçu. Ledit mali ne vient ici pas dégrader le résultat de l’absorbante, car cette dernière doit affecter ledit mali aux actifs reçus en situation de plus-value latente. Mais, le mali est dit « réel » lorsque l’opération dégage une véritable moins-value au vu de la valeur réelle de l’actif net reçu. Cette moins-value est toujours soumise au régime fiscal qui lui est propre, comme en cas de cession desdits titres (à savoir, court ou long-terme). Cependant, ce vrai mali n’est jamais déductible à hauteur de l’actif net négatif reçu (2).
Dans une affaire que vient de juger la CAA de Paris, une société avait tenté de faire passer un (incontestable) mali technique pour un vrai mali en le déduisant en totalité de son résultat fiscal, y compris à hauteur de l’actif net négatif (3). La Cour a, à cette occasion, rappelé les règles susmentionnées. Mais, point intéressant, en réponse à un argument quelque peu confus du contribuable selon lequel le mali serait en réalité une charge, elle précise que la société ne démontre pas de son intérêt à la supporter (et donc la déduire), en ce qu’elle n’aurait pas pris des mesures afin de l’éviter. N’est-ce pas ici s’immiscer dans la gestion de l’absorbante ? Espérons qu’un pourvoi sera formé et que le Conseil d’Etat écartera cette dernière approche.
1. Article 1844-5 du Code civil.
2. Article 209, II bis du CGI.
3. CAA Paris ,14 novembre 2024, n°23PA01527, Sté F’errarie (voir également le jugement TA Paris, 14 février 2023, n° 2000815).