Fluidifier la reprise d’une société dans le cadre d’une opération d’acquisition est bien souvent un gage de succès de cette opération à court terme. Dans cette optique, la conclusion d’un transition services agreement (TSA) peut s’avérer source de stabilité et constituer pour l’acquéreur un enjeu important de l’opération.
Par Antoine Melchior, avocat en corporate/fusions et acquisitions. Il assiste des industriels, des groupes familiaux, des fonds d’investissement et des entrepreneurs et managers dans le cadre de tous types d’opérations de fusion-acquisition, LBO, management package, et joint-venture, tant nationales qu’internationales / et Matthieu Rollin, avocat en corporate/fusions & acquisitions.
Il intervient notamment en matière de fusions-acquisitions, d’opérations de private equity et LBO ainsi que dans le cadre d’opérations de réorganisation (fusion, apport partiel d’actif).
Acquérir une filiale intégrée au sein d’un groupe ou bien acquérir une société autonome « stand alone » sont deux opérations comportant chacune des problématiques spécifiques que les parties en présence devront identifier en amont de toute opération.
En cas d’acquisition d’une filiale intégrée au sein d’un groupe, l’acquéreur se devra d’être particulièrement vigilant sur les conditions du maintien et de la pérennisation de l’activité reprise, tant d’un point de vue commercial que d’un point de vue organisationnel. Ce sera d’autant plus vrai si la filiale bénéficie du support du groupe auquel elle appartient au travers notamment de contrats de gestion ou du détachement de personnel (en matière par exemple de comptabilité, marketing, gestion de l’infrastructure IT, ressources humaines, juridique, etc.). Par ailleurs, si le maintien de l’activité à des conditions normales est essentiel pour l’acquéreur, il l’est tout autant pour les parties prenantes (salariés, principaux clients, fournisseurs etc.) afin qu’ils adhèrent au projet de reprise.
La nécessité pour l’acquéreur de conduire un audit opérationnel
Dans ce cadre, il conviendra que l’acquéreur attache une importance particulière à l’audit préalable de la société ou de l’activité reprise. L’audit permettra d’identifier les services fournis par le groupe vendeur au bénéfice de la filiale cédée. Il devra également permettre d’identifier le cas échéant si certains de ces services dépendent de tiers, notamment si le groupe vendeur détient des licences IT dont il fait bénéficier la filiale cédée.
L’acquéreur, pour l’ensemble des éléments identifiés au cours des opérations d’audit ou de négociation de la documentation contractuelle avec le vendeur, devra s’interroger sur sa capacité à reprendre à son compte lesdites prestations dès la réalisation de l’opération afin que l’activité de la filiale ne soit pas perturbée.
Lorsque l’acquéreur n’aura pas la capacité d’assurer de telles prestations, ou que ces dernières nécessiteraient l’implication d’un tiers avec lequel la filiale faisant l’objet de l’opération n’a pas directement contractualisé, un contrat de services de transition (ou transition services agreement, TSA) pourra être conclu avec le vendeur à titre de condition de réalisation de l’opération.
Dans le cadre de la négociation de ce type de contrats, l’acquéreur devra tenir compte du souhait habituel de tout vendeur de se désengager au plus vite après la cession, de ne pas apparaître comme étant en situation de gérer la filiale cédée et plus généralement, de limiter les cas potentiels de mise en jeu de sa responsabilité post opération (en les cantonnant autant que possible à la mise en jeu d’une éventuelle garantie de passif).
Une typologie différente de TSA
Le premier niveau de TSA sera un contrat de prestations de services classique par lequel le groupe vendeur assurera directement, pendant une durée déterminée, certaines prestations généralement assurées par les services centraux d’un groupe, par exemple, le suivi juridique, la comptabilité, les achats. Ces contrats demeurent assez simples et les prestations fournies par le groupe vendeur seront en général reprises assez rapidement par le groupe acquéreur. Le second niveau de TSA est la conclusion d’un contrat de prestations de services par lequel le groupe vendeur sous-licencie des services assurés par un tiers. Cela se retrouve généralement en matière IT. En pratique, la société de tête du groupe vendeur conclut l’ensemble des contrats IT avec des prestataires externes (ERP, mails, applications professionnelles, etc.) et en fait bénéficier ses filiales dans le cadre d’une licence globale groupe ou d’une sous-licence autorisée. Or, certains de ces contrats n’autorisent pas la sous-licence au profit de sociétés sortant du périmètre du groupe.
Dans cette hypothèse, si la société nouvellement cédée était privée de l’utilisation d’un service IT particulièrement important pour son activité, elle pourrait faire face à des difficultés de grande ampleur voire, cas extrême, se retrouver dans une situation de paralysie. C’est la raison pour laquelle il convient d’identifier les contrats pour lesquels un accord du cocontractant est nécessaire. Dès lors que de tels contrats ont été conclus, il sera recommandé que l’acquéreur érige l’accord du cocontractant en condition suspensive à la réalisation de l’opération d’acquisition.
La négociation du TSA
Les équipes du groupe vendeur et du groupe acquéreur devront entrer en contact avec le cocontractant tiers pour solliciter son accord et prévoir les conditions d’utilisation du service à la suite de l’opération (et notamment, le nombre de sous-licences octroyées et la durée de celles-ci, les conditions tarifaires le cas échéant, etc.).
Le TSA reprendra les conditions d’utilisation des services, les coûts de sous-licence facturés par le groupe vendeur (lequel supporte la licence globale), les modalités d’assistance (soit par les équipes internes du groupe vendeur, soit en ayant un accès, dans des conditions déterminées, aux équipes du prestataire) et les règles de répartition de toute responsabilité le cas échéant. De plus, le contenu du TSA pourra porter sur les modalités de migration des ressources informatiques du groupe vendeur vers le groupe acquéreur. En effet, le groupe acquéreur pourrait être tenu pour des raisons pratiques de demander l’assistance du vendeur afin que les données informatiques liées à un programme IT soient transmises, facilitant ainsi l’organisation et l’autonomisation de la filiale.
Bien que le TSA soit un contrat bipartite conclu entre le groupe vendeur et l’acquéreur ou la filiale cédée, il peut donc parfois nécessiter l’intervention d’un tiers cocontractant.
A noter que les parties à la vente peuvent avoir des intérêts contradictoires sur la durée et les services du TSA. En effet, l’acquéreur souhaitera une assistance la plus longue possible pour négocier avec ses prestataires, mettre en place ses propres contrats, et optimiser les conditions de la migration, alors que le groupe vendeur souhaitera au contraire se désengager le plus rapidement possible de cette assistance puisque le TSA, bien que celui-ci soit rémunéré, reste une contrainte en ressources.
Enfin, il convient également d’évoquer le cas dans lequel la filiale reprise assurait des services pour le groupe, notamment des prestations commerciales générant une partie de son chiffre d’affaires. C’est une situation assez courante dans le secteur du conseil, en particulier lorsque le principal contrat client est conclu avec une société de tête du groupe laquelle sous-traite une partie de l’activité induite par ce contrat à des filiales.
Dans cette situation, l’acquéreur se devra d’être vigilant sur la quote-part du chiffre d’affaires de la filiale reprise qui était assurée par cette sous-traitance interne. Chacune des parties pourra avoir un intérêt au maintien de cette relation contractuelle, le vendeur pour ne pas désorganiser ses relations commerciales avec des tiers, d’autant plus dans l’hypothèse où la filiale cédée disposerait d’un savoir-faire particulier, l’acquéreur pour maintenir un volume d’affaires satisfaisant sur une période déterminée. On parle alors de Reverse TSA.