L’attention s’est souvent portée sur le droit de vote ces dernières années. Un sujet privilégié par la presse économique est celui de la démocratie actionnariale. L’Autorité des marchés financiers a, dans cette perspective, beaucoup œuvré pour promouvoir une amélioration du fonctionnement des assemblées générales (AG). Certes, mais on nous objectera aussitôt que la démocratie actionnariale est une problématique qui interroge plus les sociétés du CAC 40 que le private equity. D’abord parce que les sociétés anonymes (SA) sont, dans ce dernier secteur, moins nombreuses que les sociétés par actions simplifiées (SAS). Ensuite, et compte tenu de la très grande souplesse de ces SAS, les décisions collectives ne sont même pas nécessairement prises en AG.
Alain Couret, avocat associé.
Ce constat ne retire pas pour autant de l’intérêt à une réflexion sur l’état du droit concernant le vote. Ainsi, dans la loi PACTE en préparation, on peut observer que la question du droit de vote est centrale dans la réforme du régime des actions de préférence : il est proposé par le Sénat de porter la proportion de 50 % à 75 % du capital s’agissant d’actions dépourvues du droit de vote. En sens inverse, mais ces modifications ne sont nullement incompatibles entre elles, il est proposé par les auteurs du projet de loi initial de faciliter l’usage du droit de vote multiple, non seulement dans les SAS, mais également dans les SA non cotées sur des marchés réglementés. Manifestement, il y a une demande des professionnels du private equity derrière la réforme annoncée. Le souhait est évident d’abandonner une vision dogmatique du droit de vote, érigée pour partie par la tradition et beaucoup par le juge en prérogative, essentielle de la condition de l’associé, pour une approche pragmatique facilitant la segmentation de l’actionnariat à partir des attentes des divers investisseurs.
Le droit de veto apparenté au précédent par une simple inversion de voyelles participe d’une autre nature. Il méconnaît la démocratie actionnariale et il est pour cela inenvisageable dans une SA, au moins pour des décisions relevant de l’AG. En revanche, la SAS s’accommode assez bien de l’existence de droits de veto qui sont, pour certains investisseurs, une prérogative convenue au titre d’une condition de leur engagement : comme précédemment avec les droits de vote multiples, on s’inscrit dans une perspective de segmentation de l’actionnariat. Il s’agit chaque fois d’accorder des pouvoirs différenciés qui mettent à mal le vieux principe d’égalité entre actionnaires, principe au demeurant dépourvu de tout fondement textuel de portée générale. Les puristes ajouteront que, s’agissant de SAS, la loi parle d’associés et non d’actionnaires.
Ces outils de segmentation qui peuvent conférer des pouvoirs très forts à certains associés demeurent toutefois à manier avec une certaine prudence. La rareté des contentieux portant sur des droits de vote multiples ou des droits de veto ne garantit pas que des pratiques trop audacieuses en la matière ne déboucheront pas un jour sur des litiges à l’issue incertaine. Certaines constructions sont périlleuses sans l’aval d’un avocat spécialiste du private equity.