La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Contrats de cession : de l’importance des clauses relatives aux salariés

Publié le 11 décembre 2020 à 15h51    Mis à jour le 11 décembre 2020 à 18h42

Au fil des années, le nombre de clauses relatives aux salariés dans la documentation contractuelle propre aux opérations de fusion-acquisition (share deal ou asset deal) a connu une croissance exponentielle. Revenons sur les clauses qui sont les plus usuelles en la matière.


Par Thomas Hains, avocat counsel en corporate/fusions & acquisitions. Il assiste des industriels, des fonds d’investissement et des managers dans le cadre de tous types d’opérations de fusion-acquisition, de joint-venture et de private equity, tant nationales qu’internationales (thomas.hains@cms-fl.com); Aliénor Fevre, avocat en droit commercial. Elle intervient en conseil et en contentieux et a développé une expertise particulière en droit des contrats, droit de la distribution, responsabilité du fait des produits et compliance (alienor.fevre@cms-fl.com); et Aurélie Parchet, avocat en droit du travail et protection sociale. Elle intervient tant dans les relations individuelles que dans les relations collectives de travail et intervient régulièrement dans des opérations de rapprochement ou de cession d’entreprises (aurelie.parchet@cms-fl.com).


 

 

Transfert des contrats de travail

Si une simple cession de titres entraînant un changement d’actionnaires de la société (share deal) est sans conséquence pour les salariés qui restent employés par la même entité, il en est autrement en cas de cession d’activité (asset deal).

Dans le souci de préserver l’emploi des salariés, le législateur a prévu un dispositif entraînant le transfert automatique des contrats de travail des salariés attachés à l’activité transférée dès lors que peut être caractérisé le transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise. Ce dispositif qui figure à l’article L.1224-1 du Code du travail, est d’ordre public : son application s’impose à toutes les parties (entreprise cédante, entreprise cessionnaire et salariés). 

L’applicabilité de l’article L.1224-1 du Code du travail est une question fondamentale. Si certaines opérations entraînent en elles-mêmes, compte tenu de la rédaction de l’article L.1224-1, un transfert automatique des contrats de travail (fusion, cession de fonds de commerce), d’autres opérations (apport, convention de successeur) nécessitent de mener une analyse factuelle approfondie afin de déterminer si les conditions d’application de l’article L.1224-1 du Code du travail sont réunies.

Si les conditions d’un transfert automatique ne sont pas remplies, des conventions tripartites de transfert doivent être signées entre l’entreprise cédante, l’entreprise cessionnaire et chaque salarié.

L’application de l’article L.1224-1 précité n’est pas sans créer de difficultés, dans les opérations de reprise partielle d’activité, pour les salariés qui ne sont pas entièrement dédiés à l’activité transférée. Par un arrêt du 30 septembre 2020, la Haute juridiction a jugé que dans une telle hypothèse, le contrat de travail du salarié doit être transféré seulement pour la partie de l’activité qu’il consacre au secteur cédé (sauf lorsque la scission du contrat de travail est impossible, qu’elle entraîne une détérioration des conditions de travail du salarié ou porte atteinte au maintien des droits garantis par la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001).


«Si les conditions d’un transfert automatique ne sont pas remplies, des conventions tripartites de transfert doivent être signées entre l’entreprise cédante, l’entreprise cessionnaire et chaque salarié.»


Il importe donc, dans les asset deals comme dans les share and asset deals impliquant également un transfert d’activité, qu’acheteur et vendeur stipulent de manière précise les conséquences du transfert ou de l’absence de transfert des salariés du périmètre cible. Ainsi, à titre d’exemple, il sera prudent que le vendeur exige de la part de l’acquéreur qu’il s’engage à reprendre les salariés identifiés dans le contrat lorsque l’application de l’article L.1224-1 ne serait pas possible ou serait incertaine. Le vendeur pourra exiger de l’acquéreur qu’il fasse des offres d’emploi aux salariés précités et que ces offres soient assorties de conditions de poste, de rémunérations fixes et variables substantiellement équivalentes aux conditions dont bénéficiaient précédemment les salariés concernés. Il sera permis à l’acquéreur de revoir le projet d’offre et d’émettre des commentaires sur celui-ci dans l’hypothèse où les termes de l’offre ne seraient pas totalement conformes avec les engagements stipulés dans le contrat de cession. Dans la même optique, le vendeur tentera d’obtenir de l’acquéreur un engagement d’indemnisation du préjudice subi par le vendeur en cas de manquement à l’engagement susvisé. 

Répartition des dettes salariales garanties

A moins que la modification de la situation juridique de l’employeur n’intervienne dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, ou d’une substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci, le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date du transfert (article L.1224-2 du Code du travail).

La date de naissance de la dette salariale est importante car elle permet de déterminer qui du cédant ou du cessionnaire en est redevable.

L’ancien employeur doit ainsi rembourser les sommes qui étaient dues à la date du transfert et qui ont été acquittées par le nouvel employeur, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention conclue entre eux.

Il est donc primordial de faire un inventaire minutieux, dans le cadre des opérations de due diligence préalables aux opérations de transfert d’activités, des sommes qui seraient susceptibles d’être réclamées par la suite (créances de congés payés, commissions ou bonus différés, indemnités de fin de carrière, etc.) par le salarié, celui-ci étant libre de s’adresser soit à son précédent employeur soit au repreneur pour en demander le paiement.

Dans un share deal la situation est différente puisqu’il n’y a pas de transfert de salariés ni changement d’employeur. Pour autant, le nouvel actionnaire doit savoir à quoi il s’engage en achetant la cible car c’est lui qui, en principe, devra supporter les conséquences financières d’éventuels manquement du précédent actionnaire. Dès lors, outre une revue complète de la situation dans le cadre de la due diligence, une attention toute particulière devra être apportée aux déclarations faites par le cédant dans l’acte ainsi qu’aux éventuelles garanties consenties.


«Il est donc primordial de faire un inventaire minutieux, dans le cadre des opérations de due diligence préalables aux opérations de transfert d’activités, des sommes qui seraient susceptibles d’être réclamées par la suite (…).»


Engagements des sociétés et conséquences pour les salariés

Due diligence – Lors de la phase de due diligence qui précède la majorité des opérations de fusion-acquisition, le cessionnaire sollicite l’accès à toutes les informations raisonnables dont dispose le cédant au sujet de l’opération envisagée. Outre cet accès à des éléments matériels confidentiels et stratégiques, il est fréquent pour les acquéreurs de demander à pouvoir rencontrer certains salariés du cédant et échanger avec eux. Cette requête implique, pour les salariés qui acceptent ce rôle, une participation active dans la réalisation de l’opération considérée et un engagement de confidentialité accru. 

Confidentialité – Toute documentation contractuelle relative à une opération de fusion-acquisition contient une clause de confidentialité. A ce titre, le cédant et le cessionnaire s’engagent généralement à mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires à la préservation de la confidentialité de l’opération et des informations échangées mais également à faire respecter cette obligation par un certain nombre de personnes, et notamment leurs salariés, pendant la période séparant le signing et le closing, voire après cette date. Nombre de salariés sont donc tenus au respect d’un engagement de confidentialité et toute violation peut donner lieu à des sanctions contractuelles pour leur employeur et disciplinaires à leur encontre.

Non-sollicitation – Dans le cadre d’opérations de fusion-acquisition, certains salariés peuvent être affectés par les engagements pris par leur employeur afin de limiter le nombre de leurs départs et donc une perte de valeur de sa société après la restructuration envisagée. L’outil contractuel principal pour atteindre cet objectif est l’insertion de clauses de non-sollicitation tendant à protéger notamment la société cédée du risque de débauchage, direct ou indirect, par le cessionnaire, de ses salariés pendant une certaine période post-cession. 

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Au sommaire de la lettre


La lettre des fusions-acquisition et du private equity

La place des salariés dans les opérations de fusions-acquisitions

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