Une opération de restructuration génère des départs de salariés (volontaires ou involontaires) ; il faut donc s’interroger sur les mesures à prendre pour éviter toute déperdition des informations stratégiques de l’entreprise.
Par Jean-Baptiste Thiénot, avocat counsel en droit de la propriété intellectuelle. Il accompagne les entreprises dans la protection et la valorisation de leurs innovations (brevets, secret d’affaires, savoir-faire) tant en conseil qu’en contentieux (jean-baptiste.thienot@cms-fl.com).
Toutes les réorganisations d’entreprises entraînent des mouvements de salariés. Même dans les opérations où tous les salariés sont maintenus en place, le simple changement de direction est susceptible de provoquer des départs. C’est inéluctable.
La nécessaire obligation de confidentialité
Ce constat soulève la question de la protection du «patrimoine informationnel» de l’entreprise. Chaque entreprise détient en effet des informations de nature variée : il peut s’agir d’informations commerciales (liste de clients), financières (tarifs négociés) ou stratégiques (projets de développement). Pour les entreprises industrielles, il y a aussi les secrets de fabrication, les résultats de travaux de recherche et le savoir-faire technique. Toutes ces informations ont une valeur pour l’entreprise : elles sont utiles, voire indispensables à son activité et toute divulgation aux concurrents serait préjudiciable.
La protection des informations confidentielles implique d’abord que les salariés qui y ont accès soient liés par une obligation de confidentialité. En particulier, dans le cadre d’une opération de réorganisation qui conduit à un changement d’employeur, il convient de s’assurer que l’obligation de confidentialité pourra bénéficier au nouvel employeur tant pour l’avenir que pour les informations antérieures à la réorganisation. Cette obligation devra aussi protéger les informations de l’entreprise pendant une période suffisante après le départ d’un salarié.
Définir une politique interne de protection
Ensuite, il faut s’assurer que les informations confidentielles soient exploitables. Il n’est pas rare en effet que des informations importantes ne soient pas consignées par écrit. Dans ce contexte, le départ de salariés va automatiquement entraîner une perte d’information. Il est donc recommandé de mettre en place une politique interne prévoyant d’une part, la consignation par écrit des informations sensibles et, d’autre part, des mesures de protection adaptées (marquage «confidentiel», accès codés aux fichiers, etc.). Cette mesure facilitera par ailleurs le recours à la protection offerte par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires. En effet, seules les informations faisant l’objet de «mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances» peuvent prétendre au bénéfice de cette protection (art. L.151-1 C. com.).
«(...) il convient de s’assurer que l’obligation de confidentialité pourra bénéficier au nouvel employeur tant pour l’avenir que pour les informations antérieures à la réorganisation.»
Organiser la transmission des informations
Enfin, il faut que celui qui prend le contrôle de l’entreprise s’assure que les informations confidentielles lui soient transmises dans les meilleures conditions. Dans le cadre des due diligences, il doit donc identifier lesdites informations et évaluer les mesures de protection en place. Il doit ensuite s’assurer que la documentation contractuelle relative à l’opération de restructuration prévoit des obligations et des garanties suffisantes sur ce point.
En dehors de ces mesures, il n’existe pas d’autre moyen d’éviter que des informations sensibles échappent à l’entreprise dans le cadre d’une réorganisation. A cet égard, rappelons que la directive 2016/943 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées prévoit en son article premier (3 .b) que cette protection ne doit pas permettre de «limiter l’utilisation par les travailleurs de l’expérience et des compétences acquises de manière honnête dans l’exercice normal de leurs fonctions». Il convient en effet de trouver un équilibre entre la protection des intérêts de l’entreprise et la nécessaire mobilité des travailleurs.