Par Jérôme Sutour, avocat associé en droit bancaire et financier, responsable des pratiques services financiers et blockchain/crypto-actifs. Il intervient sur tous les aspects de régulation bancaire et financière.
Il serait réducteur de ne voir dans le Règlement (UE) 2020/1503 du 7 octobre 2020 relatif aux prestataires européens de services de financement participatif (le «Règlement») qu’une simple transposition au niveau européen du régime français applicable aux conseillers en investissements participatifs («CIP») et des intermédiaires en financement participatif («IFP»). En effet, si l’objet du Règlement est bien de fixer un cadre règlementaire unique applicable aux intermédiaires participant au financement des PME au travers d’opérations de financement par des prêts ou des émissions de titres, le nouveau statut de prestataire de services de financement participatif («PSFP») qui entrera en vigueur le 10 novembre 2021 offre des opportunités nouvelles aux acteurs actuels et futurs du financement participatif.
Ce qui est classique
Sans réelle surprise, le statut de PSFP vise les opérateurs de plates-formes de financement participatif définies comme les systèmes d’information fondés sur l’Internet accessibles au public. En vertu de l’agrément qui, pour la France, devrait être accordé par l’Autorité des marchés financiers, ces derniers pourront déployer leurs activités dans toute l’Union.
L’agrément de PSFP est subordonné au respect d’exigences qui, sans être équivalentes à celles applicables aux prestataires de services d’investissement soumis à la directive MIF2, apparaissent plus détaillées que celles actuellement en vigueur pour les CIP et IFP. En contrepartie, ces acteurs pourront déployer des activités de placement sur des opérations d’un montant maximum de 5 millions d’euros par porteur de projet sur douze mois dans l’ensemble de l’Union. Jusqu’à ce seuil, une offre de souscription de titres présentée par un PSFP ne requerra pas l’établissement d’un prospectus conforme au Règlement Prospectus mais seulement la production d’un document de 6 pages maximum normé et reconnu comme équivalent à un DICI.
«Sans réelle surprise, le statut de PSFP vise les opérateurs de plates-formes de financement participatif définies comme les systèmes d’information fondés sur l’Internet accessibles au public.»
Ce qui est nouveau
En premier lieu, il faut évoquer la distinction opérée par le Règlement entre les investisseurs avertis et les investisseurs non-avertis. Ainsi, apparaît entre le client professionnel et celui de détail au sens de MIF 2 une nouvelle catégorie d’investisseurs bénéficiant d’une protection moindre que les clients de détail mais supérieure à celle des clients professionnels, sous réserve de conditions de patrimoine (60 000 euros de revenu/100 000 euros de patrimoine financier) et d’expérience minimale.
Par ailleurs, et c’est la une différence claire avec les statuts français, les PSFP ne sont pas tenus de fournir un conseil aux investisseurs, leurs obligations relevant plutôt de celles applicables en matière de réception-transmission d’ordres sous MIF 2. Il s’agit d’une différence d’importance et logique puisque le texte européen apprécie l’activité de ces nouveaux acteurs comme un service de placement à l’émetteur et non comme un service de conseil au client comme c’est le cas des CIP.
Enfin, outre les services de bulletin board ou panneau d’affichage qui permettent aux clients d’annoncer leur intérêt pour l’achat et la vente, sans pour autant permettre l’exécution de telles offres, sur des prêts, valeurs mobilières ou instruments admis à des fins de financement participatif, le Règlement envisage la fourniture de services de gestion de portefeuille de prêts. Ainsi, si les activités de gestion de portefeuille d’instruments financiers sont clairement écartées pour les PSFP, dès lors que les investisseurs doivent garder la discrétion d’investir ou non dans des titres, le nouveau cadre réglementaire permet à un PSFP d’accorder discrétionnairement des prêts à des projets qu’il aura identifiés à partir des fonds et selon le mandat confié par son client.