La lettre gestion des groupes internationaux

Octobre 2019

Imposition des entreprises multinationales, cap sur une terra incognita ?

Publié le 11 octobre 2019 à 16h03

Pierre Escaut et Chaïd Dali-Ali, PwC Société d’Avocats

Les organisations internationales, l’OCDE1 et l’UE2, suivies par le législateur, multiplient les recommandations et les propositions de textes touchant à l’imposition des entreprises multinationales. Elles visent d’une part à renforcer l’encadrement et le contrôle des contribuables, notamment par une coopération accrue entre les administrations fiscales, et d’autre part à instaurer une relation de confiance entre les contributeurs à l’impôt et les Etats. En déclarant vouloir «faire de la transparence et de la moralité fiscales des priorités», l’OCDE exprime clairement ce nouveau paradigme.

Par Pierre Escaut, avocat associé, PwC Société d’Avocats et Chaïd Dali-Ali, avocat associé, PwC Société d’Avocats

Cette dynamique, initiée sous l’impulsion de l’OCDE et du plan BEPS3, a pour objectif l’adaptation aux nouvelles formes de l’économie du cadre législatif et réglementaire des Etats en matière fiscale et des comportements des contribuables. Au-delà d’une «simple» mise à jour des recommandations en matière de prix de transfert, les propositions consacrées à la taxation de l’économie numérique4 pourraient poser les fondements de nouveaux principes d’attribution des profits, voire remettre en cause le principe de pleine concurrence5, et ce bien au-delà des seuls acteurs de la digitalisation.

Le législateur français, en plus d’adapter son cadre législatif et réglementaire à ce nouvel environnement, a pris l’engagement de promouvoir un «Etat au service d’une société de confiance» ; une confiance attendue comme suffisante pour inciter les contribuables à plus de transparence et de communication avec l’administration fiscale.

Ainsi en France, l’actualité est marquée par l’harmonisation des règles, l’accroissement de la transparence et le renforcement voire le renouvellement de voies de communication privilégiées entre les contribuables et l’administration fiscale (transactions, mises en conformité spontanée, APP6).

Mais ce triptyque français, harmonisation – transparence – dialogue, coexiste avec un renforcement de l’arsenal répressif, notamment pénal, et avec l’intensification des contrôles fiscaux conclus par des positions de plus en plus sévères, d’aucuns diront «excessives».

Ce contexte normatif et répressif pourrait inciter les contribuables à donner la priorité à la sécurisation de leurs pratiques en matière de prix de transfert, et ainsi à repenser les moyens d’atteindre l’objectif de sécurité fiscale. La documentation, régulièrement vécue comme une obligation de conformité, devra devenir un outil stratégique permettant l’anticipation et la préparation de contrôles fiscaux fréquemment ciblés sur la justification des modèles économiques, notamment par la production d’une analyse de la chaîne de valeur approfondie. Le renouvellement des règles applicables en matière de prix de transfert, en germe dans les dernières publications de l’OCDE sur l’économie numérique, rend d’autant plus nécessaire la mise en œuvre de ce type d’approche.

La systématisation des obligations documentaires dans la plupart des pays et l’inflation des demandes formulées par les administrations pourront également conduire les contribuables à se tourner vers des solutions informatisées dédiées aux prix de transfert, facilitant le traitement des données financières ou la détection et le suivi des obligations locales.

La fiscalité appliquée aux opérations internationales traverse ainsi une période de changements potentiellement profonds qui conduiront les contribuables à adapter tant leurs comportements que leurs pratiques dans le cadre de principes généraux de taxation rénovés, et potentiellement révolutionnés. La plus grande attention à ces changements devra être portée au cours des prochains mois par les groupes multinationaux susceptibles d’être impactés par les nombreux chantiers fiscaux en cours.

1. Organisation de coopération et de développement économique.

2. Union européenne.

3. Base Erosion and Profit Shifting.

4. Relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie, document de consultation publique, OCDE – mars 2019.

5. Programme de travail visant à élaborer une solution fondée sur un consensus pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie, OCDE, 31 mai 2019.

6. Accord préalable en matière de prix de transfert.


La lettre gestion des groupes internationaux

Comment mettre en œuvre efficacement sa politique prix de transfert ?

Hereil Lontsi et Olivier Tourmen, PwC Société d’Avocats

La préparation d’une documentation prix de transfert décrivant la politique appliquée par les groupes internationaux constitue une étape incontournable dans la mise en œuvre et la défense d’une politique prix de transfert. Cependant, dans le cadre de contrôles fiscaux, cette documentation s’avère parfois insuffisante à satisfaire les multiples demandes des autorités fiscales alors qu’elle aurait pu, dans la plupart des cas, être consolidée via quatre principaux piliers.

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