Au cours de la dernière décennie, le programme de travail de l’OCDE en matière de fiscalité internationale a été axé sur le renforcement de la transparence fiscale et sur l’harmonisation de la réglementation au sein des pays membres.
Par Adam Manczyk, PwC Société d’Avocats, et Claire Alp, PwC Société d’Avocats
L’OCDE a enrichi l’environnement fiscal international d’une série de principes directeurs, d’instructions, de plans d’actions et d’autres documents de travail. Pourtant, le projet visant à établir un cadre fiscal international transparent et limitant les pratiques d’évasion fiscale est toujours en cours de construction. L’OCDE s’apprête ainsi à publier prochainement de nouvelles instructions pour s’assurer de la bonne mise en place des plans d’actions sur le BEPS. L’OCDE compte également relever les défis lancés par le mouvement de la numérisation de l’économie. A quelles nouveautés les administrations fiscales et les contribuables peuvent-ils s’attendre ?
La contribution de l’OCDE au cours des 10 dernières années pour établir un environnement fiscal international transparent et pour harmoniser les règles qui le régissent est impressionnante : parmi les exemples remarquables de cette récente contribution, on peut citer la publication en 2015 de 15 plans d’actions développés dans le cadre du projet BEPS (mené conjointement avec le G20) ; la publication en 2017 de nouveaux principes directeurs applicables en matière de prix de transfert ; la publication en 2018 des instructions sur l’application de l’approche relative aux actifs incorporels difficiles à valoriser (BEPS Actions 8-10) ou encore des instructions relatives à la mise en œuvre de la déclaration pays par pays (BEPS Action 13) ; la publication d’un projet portant sur les aspects prix de transfert des transactions financières, ainsi que la publication du document de consultation publique portant sur les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie (BEPS Action 1).
Mais l’OCDE ne s’arrête pas là. Les administrations fiscales et les contribuables peuvent s’attendre à des nouveautés de la part de l’OCDE encore cette année ainsi que l’année prochaine. En effet, dans leur déclaration finale clôturant le sommet du G20 qui s’est tenu à Osaka en juin de cette année, les dirigeants du G20 ont réaffirmé l’importance de la mise en œuvre au niveau mondial des actions BEPS et ont salué les progrès récents accomplis pour relever les défis fiscaux résultant de la numérisation de l’économie.
Ainsi, suite aux premiers échanges des déclarations pays par pays entre les administrations fiscales, des travaux sont en cours pour permettre à ces dernières d’exploiter ces déclarations de façon à mieux évaluer les risques prix de transfert ainsi que d’autres risques fiscaux. En s’appuyant sur le rapport du Forum sur l’administration fiscale, «Déclaration pays par pays : manuel pratique d’évaluation des risques fiscaux» (septembre 2017), un outil automatisé d’évaluation des risques fiscaux («Tax Risk Evaluation and Assessment Tool» ou «TREAT») est en cours de développement pour aider les administrations fiscales, en particulier celles des pays en voie de développement, à utiliser les déclarations pays par pays pour déterminer des indicateurs de risques fiscaux potentiels. Cet outil enrichira la gamme déjà large de projets s’articulant autour des déclarations pays par pays comme le programme ICAP («International Compliance Assurance Programme») ou le programme «Comparative Risk Assessment» («CoRA»). Au final, tous ces projets aideront les administrations fiscales à exploiter les contenus des déclarations pays par pays, permettant ainsi aux administrations de concentrer leurs ressources sur les questions nécessitant une attention accrue. En plus de ces initiatives, comme le prévoit le rapport BEPS Action 13 publié en 2015, des travaux ont maintenant commencé sur le seuil de la déclaration pays par pays. Une consultation publique est prévue début 2020 à ce sujet.
L’OCDE continue également à travailler sur la mise en œuvre des Actions 8-10 du BEPS, y compris sur les actifs incorporels difficiles à valoriser et sur les services intragroupes à faible valeur ajoutée. Ces travaux devraient déboucher sur une future révision des instructions relatives à la mise en œuvre des BEPS Actions 8-10 en 2020. Peut-être encore plus tôt, l’OCDE présentera ses lignes directrices sur les aspects prix de transfert des transactions financières telles que la rémunération de la fonction trésorerie, les prêts intragroupes, les dispositifs de cash pooling, les opérations de couverture, les garanties et les assurances captives. Ces travaux ont démarré en 2016 et ont débouché sur un projet pour discussion en 2018. Suite aux importants progrès réalisés sur ce projet, son achèvement est maintenant prévu avant la fin de 2019.
Relever les défis fiscaux générés par la numérisation de l’économie (BEPS Action 1) est une autre priorité et fait l’objet de discussions approfondies au sein de l’OCDE et du G20. Les membres du Cadre inclusif sur le BEPS ont fait un grand pas en avant avec l’accord sur le programme de travail visant à élaborer une solution consensuelle aux défis fiscaux posés par la numérisation de l’économie (mai 2019). Ce programme de travail donne des instructions pour apporter une solution aux problèmes fiscaux posés par la numérisation de l’économie et s’articule autour de deux piliers : le premier pilier explore les solutions possibles pour déterminer où l’impôt doit être payé et sur quelle base, ainsi que la part des bénéfices qui pourrait ou devrait être imposée dans les juridictions où sont situés les clients ou les utilisateurs ; le second pilier détermine un niveau minimum de taxation pour les groupes d’entreprises multinationales. Ce pilier fournirait aux pays un nouvel outil pour protéger leur assiette fiscale contre le transfert des bénéfices vers des juridictions à fiscalité faible ou nulle. Ce programme constitue un grand pas en avant dans la résolution des défis fiscaux liés à la numérisation de l’économie et une feuille de route pour une solution consensuelle à long terme d’ici fin 2020 (cf. également l’article de la présente Lettre sur «les défis fiscaux liés à la numérisation de l’économie»).
Les travaux récents et actuels de l’OCDE sur la fiscalité internationale reflètent la complexité croissante de l’environnement fiscal international – en partie en raison de la complexité de l’économie numérique et en partie en raison des enjeux financiers et fiscaux qu’elle représente pour les contribuables et les administrations fiscales. La transparence et l’harmonisation des règles sont nécessaires pour garantir un environnement fiscal prévisible et stable qui facilitera les décisions d’investissement et le commerce international. Un tel environnement est d’autant plus nécessaire en ces temps marqués par l’incertitude économique et politique. A cet égard, la sécurité fiscale et le civisme fiscal font également de plus en plus partie de l’agenda politique des pays de l’OCDE et du G20.