La lettre gestion des groupes internationaux

Décembre 2019

Prise d’effet progressive de l’instrument multilatéral de l’OCDE : quelles conventions fiscales françaises concernées au 1er janvier 2020 ?

Publié le 13 décembre 2019 à 16h05

Florian Rodriguez, PwC Société d’Avocats

Depuis son entrée en vigueur pour la France, le 1er janvier 2019, l’instrument multilatéral de l’OCDE («IM») poursuit sa prise d’effet progressive sur notre réseau conventionnel.

Par Florian Rodriguez, avocat, PwC Société d’Avocats

Tandis que la liste des Etats signataires de l’IM s’est relativement peu élargie au cours de l’année 2019, avec l’entrée de sept nouveaux membres (l’Albanie, le Bélize, la Bosnie-Herzégovine, le Kenya, le Maroc, Oman et la Papouasie – Nouvelle-Guinée), le nombre d’Etats pour lesquels l’IM est entré en vigueur a, quant à lui, connu un développement significatif.

Ce constat, qui concerne près d’une vingtaine de nos partenaires conventionnels (dont la Belgique, le Canada, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, Singapour et l’Ukraine), laisse présager un impact imminent de l’IM sur de nombreuses conventions fiscales françaises.

Pour rappel, la prise d’effet de l’IM sur une convention fiscale bilatérale (moment où l’instrument impacte concrètement ladite convention) intervient en principe selon deux modalités, qui diffèrent en fonction de la nature des impositions. Pour les impôts prélevés à la source, l’IM prend en principe effet le 1er janvier de l’année qui suit sa date d’entrée en vigueur pour le dernier des deux Etats signataires parties à la convention bilatérale (N.B. : si la dernière date d’entrée en vigueur est un 1er janvier, la date de prise d’effet coïncide avec ce même jour et non le 1er janvier de l’année suivante). Pour les autres impositions, l’instrument prend effet pour les périodes d’imposition ouvertes à compter de l’écoulement d’une période de six mois suivant l’entrée en vigueur pour le dernier des deux Etats signataires, sauf exception.

Pour la France, le 1er janvier 2019 a donné lieu à une première prise d’effet de l’IM sur onze de nos conventions fiscales en matière de retenues à la source, à savoir celles conclues avec l’Autriche, l’Australie, Israël, le Japon, la Lituanie, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, le Royaume-Uni, la Serbie, la Slovaquie et la Slovénie. Pour les autres catégories d’impôts, ces mêmes conventions ont été impactées dès les périodes d’imposition ouvertes à compter du 1er juillet 2019 (sauf pour les autres impositions appliquées par l’Autriche, qui ne sont concernées qu’à compter du 1er janvier 2020 en vertu d’une réserve d’application du gouvernement autrichien).

Suivant les principes d’application ratione temporis de l’instrument, le 1er janvier 2020 marquera une prise d’effet de l’IM, en matière de retenues à la source, sur nos conventions bilatérales avec la Belgique, le Canada, les Emirats arabes unis, la Finlande, la Géorgie, l’Inde (uniquement pour les retenues à la source françaises), l’Irlande, l’Islande, le Luxembourg, Malte, Monaco, les Pays-Bas, Singapour et l’Ukraine.

S’agissant des impositions autres qu’à la source, compte tenu de la règle des six mois précitée, les premiers effets de l’IM sur les conventions fiscales entre la France et ces Etats n’interviennent pas de façon aussi homogène qu’en matière de retenues à la source. En effet, pour certains des Etats précités, l’IM est déjà susceptible de s’appliquer à des périodes d’imposition ouvertes au cours de l’année 2019. Il s’agit de Singapour, de Malte (périodes d’impositions ouvertes à compter du 1er octobre 2019), de l’Irlande, de Monaco (1er novembre 2019) et de la Finlande (1er décembre 2019). Pour les autres, seules les périodes d’imposition ouvertes à compter de l’année 2020 seront concernées, avec des points de départ variables pour la Géorgie, les Pays-Bas (1er janvier 2020), le Luxembourg (1er février 2019), les Emirats arabes unis (1er mars 2020), la Belgique, l’Inde (1er avril 2020), le Canada, l’Ukraine (1er juin 2020) et l’Islande (1er juillet 2020).

Notons toutefois que s’agissant de la convention bilatérale liant la France et le Luxembourg, seule la version actuellement en vigueur a été placée dans le champ de l’IM par les parties. A ce jour, la nouvelle mouture de cet accord signé le 20 mars 2018, dont l’entrée en vigueur interviendra à compter du 1er janvier 2020, n’a en revanche pas été désignée comme convention «couverte» dans le cadre de l’IM, elle ne devrait donc pas être modifiée par ce dernier. Il en résulte que l’IM ne devrait pas, dans les faits, avoir le temps de s’appliquer dans les relations franco-luxembourgeoises, en raison de la prise d’effet de la nouvelle version de cet accord bilatéral. Cela étant, notons que l’essentiel de l’arsenal proposé dans le cadre de l’IM est repris par la nouvelle convention franco-luxembourgeoise (introduction du Principal Purpose Test comme clause anti-abus générale, champ élargi de la notion d’agent dépendant établissement stable, clause anti-fragmentation d’activités, etc.).

En outre, malgré l’entrée vigueur récente de l’IM pour la Norvège et la Suisse, notons que nos conventions fiscales avec ces Etats respectifs resteront pour l’heure inchangées. Ces deux Etat ont, en effet, entendu exclure leur accord bilatéral avec la France du champ de leurs conventions couvertes dans le cadre de l’IM.

Enfin, il convient de rappeler que l’entrée en vigueur imminente de l’IM pour le Danemark ne devrait emporter aucun impact dans les relations franco-danoises, en l’absence de convention fiscale bilatérale en vigueur entre nos deux pays (l’IM ne peut, en effet, que se greffer sur les conventions existantes, sans pouvoir créer de relation bilatérale nouvelle).

Ce début d’année 2020 sera donc synonyme d’une vague importante de prises d’effet de l’IM sur le réseau conventionnel français. L’étendue des impacts qui accompagneront ces prises d’effet peut d’ores et déjà s’apprécier, pour chaque convention concernée, à la lumière des positions respectivement retenues par la France et le partenaire conventionnel (la modification du préambule des conventions ainsi que l’insertion du Principal Purpose Test devraient toutefois s’appliquer dans tous les cas, car il s’agit de normes dites minimales de l’IM).


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