Après s’être opposé en décembre dernier à rendre publics les reportings fiscaux pays par pays (CBRC) des grands groupes français, Bercy vient d’indiquer qu’une telle disposition pourrait finalement être adoptée. Comment réagissez-vous face à cette volte-face ?
Nous avons été extrêmement surpris. Reprenant les dispositions des travaux de l’OCDE visant à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS), la loi de finances de 2016 a introduit pour les groupes réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros l’obligation de transmettre aux autorités françaises des informations comme le chiffre d’affaires, le nombre de salariés ou encore le bénéfice avant impôts, pays par pays. Ces données ont vocation à n’être échangées qu’entre les administrations fiscales. Certains députés avaient cependant adopté un amendement, imposant notamment la publicité de ces informations. Le gouvernement avait alors fait part de son opposition. Même si la Commission européenne est favorable à une telle publicité, ce revirement, s’il venait à se concrétiser, ne serait pas du tout compris par les entreprises.
En quoi la publicité des reportings fiscaux pays par pays vous inquiète-t-elle ?
Il s’agit d’informations extrêmement sensibles, qui touchent à la stratégie industrielle et commerciale des entreprises. Le fait d’offrir aux concurrents une cartographie détaillée des activités et des marges est déjà, en soi, problématique. La situation est d’autant plus préoccupante que les Etats-Unis ont témoigné de leur réticence à imposer cette règle à leurs propres sociétés. Seules les sociétés françaises, puis européennes, seraient donc concernées, ce qui créerait une rupture d’égalité.