Par Jérôme Sutour, avocat associé en banque & finance, responsable des pratiques services financiers et lockchain/crypto-actifs. Il intervient sur tous les aspects de régulation bancaire et financière.
L’année 2021 peut apparaitre comme un tournant en matière de prise en compte des facteurs ESG par les sociétés de gestion. Ainsi, l’entrée en application le 1er mars dernier du Règlement (UE) 2019/2088 du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (le « Règlement ») oblige désormais les sociétés de gestion à communiquer de manière précise sur la prise en compte par elles des risques en matière environnementale, sociale et/ou de gouvernance à l’occasion de leurs activités de gestion.
Un renforcement des obligations de transparence
Cette obligation de transparence concerne tant la manière dont les risques en matière de durabilité sont intégrés dans leurs décisions d’investissement que la stratégie d’investissement poursuivie par les fonds d’investissements dont elles assument la gestion. Sur ce dernier point, l’Autorité des marchés financiers a adopté une position 2020-03 sur les informations à fournir par les placements collectifs intégrant des approches extra-financières. Cette position précise la nature des informations qui doivent figurer dans la documentation contractuelle des fonds pour que ceux-ci puissent être considérés comme prenant en compte de manière significative – ou seulement non-significative – les critères extra-financiers dans leur stratégie de gestion.
Le bénéfice d’une communication mettant en avant une démarche ESG pour un fonds a donc pour pendant la réelle prise en compte de ces facteurs par les gérants. A cet égard, la conduite d’une stratégie d’investissement tenant compte de facteurs de durabilité implique l’obtention de données pertinentes permettant une sélection des émetteurs en fonction des critères identifiés dans le Règlement et devant être précisés dans des normes techniques. Un projet en ce sens a été adopté par les régulateurs européens le 2 février 20211.
Compte tenu du renforcement des obligations de transparence sur la prise en compte des facteurs ESG dans leur décision de gestion et des difficultés liées à l’obtention des données sur les critères extra-financiers concernant les émetteurs, les acteurs de la gestion peuvent espérer que le projet de directive en date du 21 avril 2021 sur l’information par les émetteurs sur la durabilité (Corporate Sustainability Reporting Directive – « CSDR ») sera de nature à faciliter le respect par eux du Règlement.
La publication des informations non financières
En effet, CSDR a vocation à remplacer et étendre le champ de l’obligation, à la charge de certaines grandes entreprises, de publier leurs informations non financières résultant de la Directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014. Cette obligation qui ne concernait que les grandes sociétés, au sens de la Directive Comptabilité, cotées sur un marché réglementé ou ayant la nature d’établissements de crédit ou d’entreprises d’assurance comptant au moins 500 salariés (soit à peu près 11 000 entreprises) pourrait ainsi être étendue d’ici au 1er janvier 2026 aux petites et moyennes sociétés, au sens de la Directive 2013/34/UE, cotées sur un marché réglementé.
S’il faut saluer cette initiative, on peut regretter qu’elle ne soit mise en œuvre qu’à un horizon relativement lointain, alors même qu’aucune dérogation au Règlement ne bénéficie aux acteurs de la gestion. En outre, la problématique demeure et demeurerait malgré une application pleine et entière de CSDR s’agissant de l’obtention des informations sur l’ESG des sociétés non cotées. Les concernant, les fournisseurs de données en matière ESG ont encore de belles perspectives compte tenu du besoin des acteurs de la gestion d’obtenir lesdites informations pour se conformer au Règlement.
1. Final Report on draft Regulatory Technical Standards with regard to the content, methodologies and presentation of disclosures pursuant […] Regulation (EU) 2019/2088.