Le 14 mars 2019, le ministre de l’Action et des Comptes publics a rendu publique et commenté une circulaire du 28 janvier 2019 relative au traitement des demandes de mise en conformité fiscale des entreprises.
Par Guillaume Glon, avocat associé, PwC Société d’Avocats
Dans le prolongement de la loi Essoc (loi 2018-727 du 10 août 2018) et de la mise en œuvre du droit à l’erreur, le ministre a annoncé la création d’un service de mise en conformité fiscale des entreprises (SMEC) dont l’objet est de permettre aux entreprises, quelle que soit leur taille, de demander une mise en conformité de leur situation fiscale sur certains sujets complexes.
Le SMEC est rattaché à la direction des grandes entreprises (DGE) qui, même si elle ne traite habituellement que les dossiers des grandes entreprises, fera en l’occurrence office de point d’entrée unique afin de simplifier et d’homogénéiser le traitement des demandes.
Le champ de compétence du SMEC s’articule autour de deux axes majeurs.
En premier lieu, il permettra aux nouveaux détenteurs et repreneurs d’entreprises de solliciter la régularisation de toutes les anomalies fiscales, quelle qu’en soit la nature, découvertes avant ou après la reprise d’une entreprise.
En second lieu, le SMEC a vocation à connaître d’une liste de problématiques limitativement énumérées : Il s’agit, en matière de fiscalité internationale, des activités en France non déclarées et constitutives d’un établissement stable ; de la déductibilité des intérêts d’un prêt consenti par un prêteur étranger au mépris des règles de déductibilité prévues à l’article 212 du Code général des impôts ; des montages illicites ou abusifs faisant l’objet d’une fiche publiée sur le site «economie.gouv» ou impliquant des structures à l’étranger. Le SMEC sera également compétent pour connaître d’un certain nombre de problématiques liées à la fiscalité des dirigeants que nous ne détaillerons pas ici. Enfin et de façon plus générale, le SMEC pourra connaître de toute opération susceptible de relever d’une pénalité de 80 % en cas d’activité occulte, d’abus de droit ou de manœuvres frauduleuses.
Pour pouvoir être accueillie, la démarche doit revêtir un caractère spontané. En sont donc exclues les entreprises pour lesquelles un contrôle fiscal est en cours, celles qui ont reçu un avis de vérification ou qui font l’objet d’une procédure d’enquête administrative ou judiciaire. Elle requiert le dépôt d’un dossier, dont certains éléments pourront toutefois être déposés dans les six mois de la demande de mise en conformité et qui doit comprendre, à peine d’irrecevabilité :
– une demande de mise en conformité fiscale ;
– un écrit exposant de manière précise et circonstanciée de la problématique faisant l’objet de la demande, accompagnée de tout document probant ;
– les déclarations rectificatives couvrant toute la période non prescrite ;
– les justificatifs relatifs aux montants concernés et permettant leur calcul pour s’assurer de l’exactitude des données chiffrées ;
– une attestation du contribuable selon laquelle son dossier est sincère.
Les contribuables devront acquitter l’intégralité des impositions supplémentaires à leur charge ou s’engager à les acquitter selon un échelonnement convenu avec l’administration. Cependant, le caractère spontané de la démarche sera pris en compte au travers de la modulation, par voie transactionnelle (LPF art. L. 247), du taux des majorations éventuellement applicables et de l’intérêt de retard. Ainsi, les majorations de 80 %, 40 % et 10 % seront respectivement portées à 30 %, 15 % et 0 %. Les intérêts de retard seront, quant à eux, réduits de 40 % dans les deux premiers cas, et de 50 % dans le dernier.
Il convient de souligner que les demandes de mise en conformité seront organisées dans le cadre des règles de prescription prévues par le Livre des procédures fiscales, y compris celles prévoyant un délai de prescription étendu en présence d’une activité occulte. Ce point ne manquera pas de poser question notamment en cas de régularisation d’un établissement stable non déclaré. En effet, si la prescription appliquée par le SMEC est de 10 ans, il est probable que certains contribuables réfléchiront à deux fois avant de s’engager dans cette procédure. A l’inverse, il ne serait pas inconcevable de considérer que du fait de la saisine du SMEC, l’activité cesse d’être occulte et que la prescription appliquée est de trois ans et non 10 ans.
On retiendra les règles spécifiques prévues lorsque la demande de mise en conformité est présentée par les nouveaux détenteurs et repreneurs d’une entreprise. Dans ce cas, la circulaire prévoit que la modulation des pénalités sera effectuée en fonction des modalités de répartition des passifs fiscaux entre cédant et cessionnaire :
– en cas de garantie de passif totale, c’est-à-dire lorsque les conséquences fiscales de la mise en conformité pèsent exclusivement sur le cédant, aucune remise de pénalité ne sera accordée ;
– en cas de garantie de passif partielle, c’est-à-dire lorsque les conséquences fiscales de la mise en conformité pèsent en partie sur le cédant, les remises de pénalités ne s’appliqueront qu’à hauteur du prorata restant à la charge du cessionnaire du fait de la convention de garantie de passif ;
– enfin, en l’absence de garantie de passif, c’est-à-dire lorsque les conséquences fiscales de la mise en conformité pèsent exclusivement sur le cessionnaire, les pénalités et intérêts de retard seront réduits.
Cette nouvelle démarche ne devrait pas manquer de replacer les travaux de due diligence fiscale au cœur des opérations d’acquisition. Elle pourrait constituer une réelle opportunité de mise en conformité fiscale pour les repreneurs d’entreprises, notamment dans l’hypothèse où ces derniers ne bénéficieraient d’aucune garantie de passif. Elle nécessitera désormais une concertation entre les parties lorsque le cessionnaire aura identifié des risques fiscaux significatifs portés par la société cible, ainsi qu’une réelle réflexion à mener en commun sur les termes de la clause de garantie de passif. En effet, la mise en conformité fiscale, sollicitée par le cessionnaire, ne sera assortie, pour le cédant, d’aucune modulation de la fraction des impositions supplémentaires ou des pénalités restant à sa charge. Cette possibilité de régulariser pourrait également avoir un impact lors de la négociation des contrats d’assurance spécifiques.
L’opportunité de la démarche méritera donc d’être étudiée, voire négociée entre les parties. Une réflexion approfondie est d’autant plus indispensable que la démarche ne sera pas anodine, la circulaire prévoyant expressément la possibilité, pour la DGFiP, d’engager un contrôle fiscal en cas de désaccord avec l’entreprise sur les conditions de mise en conformité.