L’article L.146-16-2 du Code de commerce, issu de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite «loi Pinel», est venu introduire le régime de la clause de garantie solidaire du cédant en cas de cession d’un droit au bail commercial.
Par Aline Divo, avocat associé en droit immobilier. Elle intervient dans tous les domaines du droit immobilier et notamment dans la rédaction, la négociation et le contentieux des baux commerciaux, tant côté locataire que côté bailleur. Elle est coauteur des Mémentos Experts Francis Lefebvre Baux commerciaux et Gestion immobilière. aline.divo@cms-fl.com et Claire Le Gloanec, avocat en droit immobilier. Elle intervient dans tous les domaines du droit immobilier et notamment dans la rédaction, la négociation et le contentieux des baux commerciaux. claire.legloanec@cms-fl.com
Il énonce, en effet, que «si la cession du bail commercial s’accompagne d’une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l’invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail».
Cette clause de garantie a pour effet de rendre le cédant codébiteur solidaire du cessionnaire vis-à-vis du bailleur. En ajoutant ce nouvel article au statut des baux commerciaux, l’objectif de la loi Pinel était de limiter la durée et l’étendue de la garantie solidaire afin de protéger les droits du cédant.
Toutefois, en l’absence de précision de la loi Pinel, la question de savoir si la durée de la garantie du cédant énoncée par ce nouveau texte était ou non d’ordre public s’est posée.
En effet, les articles L.145-15 et L.145-16 du Code de commerce citant les dispositions du statut des baux commerciaux d’ordre public ne visent pas l’article L.146-16-2 du Code de commerce.
En conséquence, dans la pratique, de nombreux rédacteurs de baux commerciaux considéraient cet article comme supplétif de volonté et dérogeaient au principe selon lequel le cédant devait garantir le bailleur pendant une durée de trois ans à compter de la cession du bail commercial.
Ainsi, la clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur pouvait souvent être invoquée par ce dernier pendant toute la durée du bail restant à courir au jour de la cession voire, parfois, pendant la durée du bail restant à courir et celle de ses renouvellements.
La loi Pinel ne comportant aucune disposition relative à l’application dans le temps de ce nouvel article, la question de savoir s’il s’appliquait aux baux en cours au jour de l’entrée en vigueur de la loi s’est également posée.
La cour d’appel d’Angers (CA Angers, 6 septembre 2016, ch. A com.) et la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 11 mai 2017, 14e ch.) ont conclu que le législateur n’ayant expressément attaché aucun effet rétroactif aux dispositions de l’article 8 de la loi du 18 juin 2014 ayant créé l’article L.145-16-2 du Code de commerce, ce dernier ne s’appliquait pas aux contrats conclus antérieurement au 20 juin 2014, date d’entrée en vigueur de l’article.
Ces deux questions sont restées en suspens jusqu’à un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 11 avril 2019 (n° 18-16.121).
La Cour de cassation vient mettre fin aux débats doctrinaux en indiquant que l’article L.145-16-2 du Code de commerce est d’ordre public mais qu’il n’est pas d’application immédiate pour deux raisons :
– il ne répond pas à un motif impérieux d’intérêt général justifiant son application immédiate ;
– la garantie solidaire du cédant ne constitue pas un effet légal du contrat mais demeure régie par la volonté des parties.
Cet arrêt s’inscrit dans la ligne de l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 28 juin 2018 réputant d’ordre public l’article L.145-46-1 du Code de commerce relatif au droit de préemption du preneur à bail commercial, bien que non visé par les articles L.145-15 et L.145-16 du Code de commerce.
Les rédacteurs devront désormais veiller à ne pas introduire de clause dérogeant à l’article L.145-16-2 du Code de commerce, tant dans les nouveaux baux que dans les actes de renouvellement de baux.
Il est possible que la Cour de cassation adopte le même principe concernant l’article L.145-16-1 du Code de commerce. Affaire à suivre.