Par un arrêt du 7 mars 2019 (n° 17-28.536), la Cour de cassation a précisé la portée de l’étude environnementale d’un terrain pollué et de l’obligation de remise en état d’un tel terrain incombant au dernier exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement.
Par Céline Cloché-Dubois, avocat counsel en droit de l’urbanisme et de l’environnement.
celine.cloche-dubois@cms-fl.com et Anne Plisson, avocat en droit de l’urbanisme et de l’environnement. Elle intervient en matière de conseil, rédaction d’actes et contentieux dans le cadre de projets de développement et d’aménagement. anne.plisson@cms-fl.com
En l’espèce, une société en commandite par actions (SCA) avait conclu un contrat de bail à construction avec la commune de Nice aux termes duquel elle s’engageait à édifier un centre commercial sur un terrain ayant appartenu aux sociétés Esso, Total Raffinage Distribution ainsi qu’à la SNCF. Ce terrain avait servi au stockage d’hydrocarbures pétroliers. Préalablement à la conclusion de ce bail, la SCA avait commandé une étude de sols à un premier bureau d’études, la société Sol-Essais, selon laquelle aucune dépollution du sol n’était à prévoir. A la suite d’émanations d’hydrocarbures pétroliers lors des travaux, la SCA avait sollicité la réalisation d’un diagnostic de pollution auprès d’un second bureau d’études qualifié à cet effet, lequel avait prescrit des mesures de dépollution.
La SCA avait alors assigné la société Sol-Essais ainsi que les anciens exploitants du site afin d’obtenir une réparation du surcoût engendré par les mesures de dépollution. Le tribunal de grande instance de Nanterre, par un jugement du 26 juin 2014, puis la cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 2 octobre 2017, ont rejeté les demandes de la SCA qui a alors formé un pourvoi en cassation.
Sur la demande de réparation invoquée à l’encontre du premier bureau d’études
La requérante, reprochant à la société Sol-Essais de ne pas avoir identifié la pollution, mettait en cause sa responsabilité pour manquement à son obligation d’information et de conseil.
Or, la Cour de cassation considère que la mission confiée à la société Sol-Essais n’était qu’une mission de reconnaissance des sols, en vue de la faisabilité géotechnique du projet, et non une mission spécifique de diagnostic du degré de pollution de la nappe phréatique et du sol.
La Haute juridiction en déduit que, même si la société Sol-Essais avait été imprudente en se prononçant dans une matière ne relevant pas de sa spécialité, la société bailleresse était seule responsable de son préjudice en ce qu’elle n’avait pas fait réaliser des études environnementales complètes et fiables, telles que prévues par la règlementation en vigueur, préalablement à la conception et à l’exécution des travaux de construction impliquant un changement d’usage des terrains.
Sur la demande de réparation invoquée à l’encontre des anciens propriétaires exploitants
Tout d’abord, la requérante soulevait la garantie des vices cachés.
La Cour de cassation considère que la SCA ayant eu connaissance de l’ancienne affectation des terrains pris à bail, à savoir le stockage d’hydrocarbures, et l’ayant prise en compte dans la conception de son projet, cela suffisait à caractériser l’absence de vices cachés.
Ensuite, la requérante invoquait la responsabilité délictuelle des anciens exploitants du site pour défaut de remise en état du terrain en raison de la subsistance de pollution.
Après avoir relevé que le préfet «n’avait émis aucune observation sur les travaux de mise en sécurité effectués par les sociétés exploitantes, ni demandé la réalisation de travaux supplémentaires», la Cour de cassation a jugé que les derniers exploitants avaient parfaitement rempli leur obligation de remise en état du site.
La Cour de cassation rappelle ainsi que l’existence de pollution à l’issue de la remise en état ne signifie pas nécessairement que cette remise en état est irrégulière et de nature à caractériser une faute délictuelle du dernier exploitant.