Ce qu’il est convenu de nommer la fiscalité de l’urbanisme désigne communément les contributions qui peuvent être demandées aux constructeurs en vue de financer les équipements publics (voirie, réseaux, etc.).
Par Yves Delaire, avocat associé en droit public de CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats. Il conseille et assiste les personnes publiques, les entreprises, les associations et les particuliers, notamment en matière de contrats publics, de droit des biens des personnes publiques, de droit de l’urbanisme, de l’environnement et de l’énergie. yves.delaire@lyon.cms-fl.com
Le législateur s’était efforcé de clarifier ce dispositif et de limiter les pratiques arbitraires qui pouvaient s’épanouir dans un système jadis obscur. Cet effort s’est traduit par la définition d’une liste limitative des taxes et participations pouvant être exigées des constructeurs1. Certaines ont un caractère fiscal (taxe d’aménagement) et d’autres non-fiscal (participation de zone d’aménagement concerté ou de projet urbain partenarial).
Cette taxinomie est assortie d’un mécanisme de sanction applicable en cas de perception de contributions non autorisées exigées, à l’occasion de la délivrance d’autorisation d’urbanisme ou de la signature de conventions d’aménagement ou partenariales. Ce mécanisme, fondé sur le principe de l’action en répétition de l’indu, prévoit que les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions légales sont réputées sans cause. En conséquence, les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. Si cette action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention des prestations indûment exigées, les sommes que l’Administration a indûment perçues portent intérêt au taux légal majoré de cinq points2.
Ces dispositions sont redoutablement protectrices des constructeurs ou des aménageurs auxquels il a pu être demandé des contributions qui dépassaient les nécessités du financement des équipements publics destinés à répondre aux «besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier». Cette efficacité a été confirmée par la jurisprudence administrative qui a tiré toutes les conséquences du caractère d’ordre public de ces dispositions en considérant qu’elles pouvaient être mise en œuvre, même si les constructeurs ont accepté par convention de verser des participations illégales3 ou, le cas échéant, sous la forme d’une offre de concours4.
D’ailleurs, peu importe la forme de la participation, l’action en répétition est ouverte qu’elle prenne une forme financière, celle de la réalisation de travaux, voire celle d’une cession de terrains. Cette action est aussi ouverte aux acquéreurs successifs des biens concernés.
Poussées à l’absurde, ces dispositions pourraient permettre à un opérateur de ne pas honorer ses promesses ou de demander, après avoir obtenu les autorisations sollicitées, le remboursement des sommes illégalement perçues dans la mesure où cette action reste sans effet sur la légalité de l’autorisation d’urbanisme qui en constitue le fait générateur5.
A l’évidence, pour les créances non-fiscales que constituent certaines de ces participations, ces comportements ne relèvent pas de l’abus de droit de l’article 64 du Livre des procédures fiscales. Toutefois, le droit public connait l’abus de droit qui n’est pas l’apanage du droit fiscal.
L’abus de droit peut être sanctionné en droit de l’urbanisme s’agissant de la fictivité de déclaration fallacieuses en vue d’obtenir un permis de construire6 ou de la fraude, qui s’attachent à des travaux entrepris pour faire échec à la péremption d’une autorisation d’urbanisme7. Dès lors, rien n’interdit de penser que l’abus de droit puisse sanctionner le comportement, extrême, par lequel un opérateur prendrait sciemment un engagement de participation qu’il sait indue, à seule fin de faciliter l’obtention d’une autorisation de construire ou d’aménager.
1. Code l’urbanisme (CU), art. L.311-4 et L.332-6.
2. CU, art. L.332-30.
3. CE, 17 mai 2013, n° 3371220.
4. CE, 10 oct. 2007, n° 268205.
5. CU, art. L.332-7.
6. CE, 10 oct. 1990, n° 86379.
7. CE, 3 janv. 1975, n° 93525.