Jamais l’incertitude et l’insécurité juridique n’ont été aussi grandes en matière de fiscalité internationale. Le corpus juridique en place peine à relever les défis qui lui sont posés par l’économie postmoderne : les conventions fiscales bilatérales font, à de nombreux égards, figure de vestiges d’un temps révolu ; les concepts auxquels elles se réfèrent et les dispositifs anti-abus qu’elles contiennent n’appréhendent que partiellement la complexité des situations.
Par Renaud Jouffroy, avocat associé, PwC Société d’Avocats et Guillaume Glon, avocat associé, PwC Société d’Avocats
Sous l’impulsion de l’OCDE, à qui l’on doit reconnaître d’avoir mis en lumière ce fossé grandissant entre les règles en vigueur et la réalité de l’économie, des initiatives ont été lancées tous azimuts pour combler ce fossé. Qu’elles soient multilatérales, bilatérales, unilatérales, globales, régionales, les initiatives fusent, au risque d’attiser la confusion et l’incertitude. Ce numéro sera l’occasion de faire un point sur certaines de ces initiatives.
Un exemple criant de l’inadaptation entre les règles de fiscalité internationale et l’économie actuelle peut être illustré par les débats autour de l’imposition des activités numériques. Une majorité de commentateurs s’accordent à penser que les règles actuelles sont désuètes. En revanche, les réponses proposées sont hétéroclites, peu coordonnées et souvent controversées. Nous porterons, dans ces colonnes, un regard critique sur les dernières propositions formulées en la matière par la Commission européenne.
Dans la même veine, la réforme fiscale américaine offre un exemple d’action unilatérale adoptée en l’absence de toute concertation internationale. Nous verrons que l’on est encore loin d’avoir identifié l’ensemble des tenants et aboutissants de cette réforme et, en particulier, d’en avoir identifié les perdants et les gagnants.
A l’inverse, les efforts de l’OCDE en faveur de mesures coordonnées pour contrer l’érosion des bases d’imposition prennent forme et deviennent réalité. Nous verrons ainsi que la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, signée par plus de 80 pays depuis le 7 juin 2017, entrera en vigueur le 1er juillet 2018, suite au récent dépôt par la Slovénie de la cinquième notification de ratification auprès de l’OCDE.
Au niveau européen, la Commission poursuit également ses efforts en vue d’une mise en œuvre coordonnée, au sein de l’Union européenne, des mesures préconisées par les rapports BEPS de l’OCDE. Le 25 mai dernier, le Conseil ECOFIN a ainsi formellement adopté la directive relative à la déclaration obligatoire et l’échange automatique d’informations sur les dispositifs de planification fiscale transfrontalière à caractère potentiellement agressif traduisant les recommandations de l’action 12 du projet BEPS.
Enfin, nous verrons que la diplomatie bilatérale n’est pas morte. La nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg, signée le 20 mars 2018, en est l’illustration. Au terme de négociations aussi rapides que discrètes, la France et le Luxembourg ont donné un sérieux coup de jeune à la plus vieille convention fiscale jusqu’alors en vigueur. En incorporant les mesures élaborées par l’OCDE et contenues dans l’instrument multilatéral, celle-ci devient ainsi la convention fiscale la plus moderne de toutes.