La directive européenne n° 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal a été modifiée plusieurs fois ces dernières années, afin d’étendre le champ d’application de l’échange automatique et obligatoire d’informations. Ces amendements successifs ont par exemple introduit de nouvelles obligations déclaratives pour les institutions financières («Common Reporting Standard»)3 et pour les contribuables bénéficiant de «tax rulings»4. Un reporting pays par pays5 applicable aux groupes multinationaux a aussi été mis en place afin d’améliorer la transparence fiscale au sein de l’Union européenne.
Par Guillaume Glon, avocat associé, PwC Société d’Avocats et Simon Perrot, avocat, PwC Société d’Avocats
S’inscrivant dans le cadre de l’action 12 du projet BEPS de l’OCDE, la Commission européenne a proposé en juin 2017 d’amender à nouveau la directive 2011/16/UE afin de mettre en place une nouvelle obligation de déclaration à la charge des intermédiaires intervenant dans les dispositifs de planification fiscale, les déclarations devant alors être échangées spontanément et automatiquement entre les administrations fiscales des Etats membres par l’intermédiaire du réseau commun de communication (CCN) développé par l’Union européenne.
A la suite de l’accord politique qui avait été trouvé en mars dernier, le Conseil ECOFIN a adopté le 25 mai 2018 définitivement la directive, dont la publication au «Journal officiel de l’Union européenne» est désormais attendue dans les prochaines semaines. Les dispositions de la directive devront être transposées en droit interne au plus tard le 31 décembre 2019 pour une mise en œuvre à compter du 1er juillet 2020.
La nouvelle obligation de déclaration des dispositifs transfrontières repose en principe sur l’intermédiaire qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif devant être déclaré, le met à disposition en vue de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre. Néanmoins, toute personne qui sait qu’elle a fourni ou s’est engagée à fournir, directement ou indirectement, une assistance ou des conseils concernant un dispositif visé par la directive peut être soumis à cette obligation. Sont directement visés les comptables, les banques, les conseils fiscaux, etc., installés dans un Etat membre de l’Union européenne.
Cependant, lorsque l’intermédiaire est dispensé de déclaration (par exemple un avocat soumis au secret professionnel) ou lorsqu’il n’existe pas d’intermédiaire (le contribuable ayant par exemple conçu ou mis en œuvre le dispositif en interne), l’obligation peut alors directement porter sur le contribuable lui-même, qui devra déclarer le dispositif transfrontière à l’administration fiscale dans un délai de trente jours à compter du jour suivant sa mise à disposition ou sa mise en œuvre.
La déclaration portera sur l’identification des intermédiaires et des contribuables, devra notamment comprendre un résumé du dispositif visé et préciser la valeur de l’opération.
La directive renvoie à chaque Etat membre le soin de déterminer le régime des sanctions et pénalités applicables.
L’obligation de déclaration s’applique aux dispositifs de planification fiscale à caractère potentiellement agressif et est susceptible d’être applicable à tous les impôts directs.
Sont visés les dispositifs transfrontières qui impliquent, d’une part, un ou plusieurs Etats membres ou un Etat membre avec un pays tiers à l’Union européenne et qui, d’autre part, présentent un ou plusieurs «marqueurs» généraux ou spécifiques définis à l’annexe IV de la directive qui ne sont pas tous directement liés à l’obtention d’un avantage fiscal par le contribuable.
Sont ainsi visés par la directive les dispositifs portant atteinte à l’échange automatique d’informations ou bien ceux présentant un marqueur en matière de prix de transfert, qui devront aussi faire l’objet d’une déclaration.
Parmi les dispositifs en matière de prix de transfert concernés figurent les dispositifs impliquant l’utilisation de régime de protection unilatéraux, les dispositifs faisant intervenir le transfert d’actifs incorporels difficiles à évaluer et enfin les dispositifs mettant en jeu un transfert de fonctions, de risques ou d’actifs au sein d’un même groupe, lorsque le résultat d’exploitation prévisionnel du cédant (sur les trois années suivant le transfert) est inférieur de 50 % au résultat d’exploitation prévisionnel qu’il aurait généré si le transfert n’avait pas eu lieu.
Même si la directive ne sera applicable qu’à compter du 1er juillet 2020, une fois que les Etats membres auront transposé ses dispositions dans leur législation locale, les dispositifs mis en œuvre depuis la date d’entrée en vigueur de la directive, c’est-à-dire à compter du 20e jour suivant la publication de la directive au «Journal officiel de l’Union européenne», soit dès le mois de juillet 2018 si elle était publiée en juin, devront aussi être déclarés aux administrations fiscales. Les informations reçues seront alors échangées automatiquement entre les Etats membres au plus tard le 31 octobre 2020.
Cette rétroactivité, qui paraît contestable au regard du principe de sécurité juridique et du droit de l’Union européenne, oblige néanmoins les contribuables et leurs conseils à identifier dès à présent les dispositifs transfrontières visés par la nouvelle obligation déclarative.
3. Directive 2014/107/UE du 16 décembre 2014.
4. Directive 2015/2376/UE 8 décembre 2015.
5. Directive 2016/881/UE du 25 mai 2016.